Wang Tao, paysan chinois, a cultivé du maïs, des pommes de terre et du blé à un jet de pierre d'une décharge des déchets de l'extraction de terres rares, jusqu'au jour où des produits chimiques ont déversé leur poison sur ses terres.

Les paysans vivant près de la décharge de 10 km2, dans le nord-ouest de la Chine, disent qu'ils ont perdu leurs dents et que leurs cheveux ont blanchi, tandis que des études ont décelé que l'eau et le sol contenaient des matières radioactives cancérigènes.

«Nous avons été contaminés», dit à l'AFP Wang, 60 ans, qui vit près de la ville de Baotou, en Mongolie intérieure, une région recelant le plus gros gisement connu au monde de terres rares, ces métaux stratégiques pour de nombreux produits des hautes technologies.

«Ici, si vous consommez de la nourriture ou de l'eau contaminées, cela nuit à votre santé», dit Wang en montrant du doigt des champs non cultivés et pleins d'ordures aux abords du village de Dalahai, à quelques centaines de mètres de la décharge.

La Chine produit aujourd'hui plus de 95% des terres rares dans le monde -- ces 17 métaux utilisés dans la production d'iPod, d'écrans plats, de disques durs ou de voitures électriques.

Les deux tiers de la production sont transformés à Baotou, à la limite du désert de Gobi.

Depuis des années, les associations de défense de l'environnement dénoncent l'impact des terres rares: rejets chimiques toxiques, notamment de thorium et  d'uranium, radioactifs, dans l'air, l'eau et les sols qui peut provoquer chez l'homme et l'animal des cancers et malformations de naissance.

La Chine, premier pollueur au monde qui tente de verdir son image, a entrepris de fermer les mines illégales, d'élever les normes en matière de respect de l'environnement et de contingenter les exportations. Ce qui pousse les États-Unis ou l'Australie à vouloir ouvrir, ou rouvrir, leurs propres mines.

C'est le groupe public Baogang --premier producteur en Chine de terres rares-- que les paysans comme Wang accusent de les avoir empoisonnés.

Les vents qui balaient les millions de tonnes de déchets de la décharge géante répandent des matières toxiques dans tous les villages des environs.

«C'est la pollution de la décharge», dit Wang Er, 52 ans, en montrant ses cheveux qui se sont mis à blanchir il y a 30 ans.

Baogang, dont les unités de raffinage s'étendent sur 7 km, n'a pas souhaité répondre aux questions de l'AFP.

Une étude en 2006 des autorités locales a dévoilé que les niveaux de  thorium dans le sol à Dalahai étaient 36 fois plus élevés que dans d'autres endroits à Baotou, selon les médias.

Soixante-six villageois ont succombé à un cancer entre 1993 et 2005 tandis que les rendements des récoltes chutaient, a indiqué le National Business Daily en décembre dernier.

«Il n'y a aucune étape dans le processus minier des terres rares qui ne soit pas désastreuse pour l'environnement», affirme Jamie Choi, de Greenpeace, dans un rapport récent.

Pour Wang Guozhen, ancien vice-président de l'Institut chinois de recherche et d'ingénierie des métaux non-ferreux, les dégâts pourraient être irréversibles.

«L'argent gagné en vendant des terres rares ne suffirait pas à nettoyer l'environnement, absolument pas», dit-il à l'AFP.

Les paysans ne cultivent plus leurs terres et attendent des compensations du gouvernement. Certains n'ont pas eu la patience et sont partis, laissant derrière eux des maisons et des boutiques vides dans ce paysage de poussière.

Les autorités ont proposé 60 000 yuans (environ 8730 dollars canadiens) par mu (1/15e d'hectare) pour qu'ils s'installent dans un autre village à 4 km de là, mais les paysans n'auront pas de terre à cultiver.

«D'où viendra notre revenu, de quoi vivrons-nous?», demande Wang Tao avec inquiétude.