« Il y a 15 ans, on voulait goûter tous les univers brassicoles, mais aujourd’hui, 80 % des amateurs de bières artisanales se demandent quelle IPA choisir. Et comme la fonction d’une brasserie est de vendre de la bière, il faut satisfaire le client en étant pertinent dans le marché. » C’est le constat lucide qu’a fait Martin L’Allier avant de lancer Ministère, toute nouvelle marque de bières entièrement consacrée aux IPA bien juteuses mise sur pied par l’équipe de MonsRegius.

De l’aveu de son cofondateur, MonsRegius sous-performait dans le créneau désormais incontournable des IPA houblonnées à cru. « On a des IPA qui fonctionnent bien, notre Extra Brut et notre série Vinifera, par exemple, mais on se pénalise soi-même en sortant autre chose que des IPA à la mode, avoue bien franchement Martin L’Allier. J’aimerais faire des lagers, mais c’est tellement long à vendre… Selon moi, la grande vague de conversion vers les IPA est terminée, et j’avoue personnellement en être moi aussi venu à beaucoup apprécier ce type de bière. »

Ministère a donc lancé sa Déclaration initiale (IPA Sabro, Citra et El Dorado) et sa Politique jeunesse (IPA double Azacca, Citra et Mosaic), il y a quelques semaines, après lesquelles viennent de s’ajouter la Participation citoyenne (IPA Simcoe et Mosaic) et l’Exploration spatiale (IPA Galaxy, Eclipse et Comet).

Un autre véhicule

Pourquoi choisir un autre véhicule que celui de MonsRegius, alors que la brasserie montarvilloise est bien établie depuis 2015 ? « Il y a aujourd’hui tellement de produits sur les tablettes que les marchands ne savent plus ce qu’il y a dans les canettes, soutient Martin L’Allier. Le conseiller en boutique, quand il y en a un, parle de ce qu’il connaît. En ayant un produit consacré à un univers brassicole en particulier, c’est plus facile pour tout le monde de s’y retrouver. »

Impossible de se tromper en ouvrant une canette colorée de Ministère, les parfums de fruits exotiques exultent, il s’agira toujours d’IPA doublement houblonnées à cru. « C’est une autre marque de bière, avec son univers très précis et cerné, mais avec une latitude créative, expose le brasseur. C’est fruité et sympathique, mais on veut néanmoins sortir des sentiers battus en ce qui concerne les houblons. »

On compte aussi utiliser des recettes de base et des levures différentes de ce que l’on utilise chez MonsRegius, on travaille même sur de nouvelles esquisses de moûts. C’est donc la même équipe, le même équipement, dans des langages différents, dans un univers parallèle.

Martin L’Allier, copropriétaire de la brasserie MonsRegius

PHOTO CAROLINE PERRON, FOURNIE PAR LA MICROBRASSERIE MONSREGIUS

La Déclaration initiale et la Politique jeunesse sont les deux premières bières lancées sous la marque Ministère.

Design éclaté

C’est aussi le même designer, car Martin L’Allier était graphiste avant de devenir brasseur. Comme chez MonsRegius, on retrouve donc chez Ministère une facture visuelle qui se démarque par une signature avantageusement soignée et facilement reconnaissable.

« Quand j’étais designer, j’ai toujours eu envie de créer des noms de marques, raconte M. L’Allier. Dans le milieu brassicole, le cliché a souvent été de nommer la brasserie selon le lieu où elle se trouve, ou encore de faire allusion au folklore local, mais on s’éloigne de plus en plus de ces styles-là. J’ai donc choisi de puiser dans le thésaurus gouvernemental pour trouver le nom de mes bières. »

Quant aux images et au graphisme éclectique qui illustrent les canettes, on ne cherche pas systématiquement à faire de lien avec le nom de la bière, même si Martin L’Allier invite les amateurs à trouver ce qui peut parfois se cacher derrière la facture visuelle des étiquettes qu’il imagine. « Je fais ça de façon intuitive et artistique, mais je veux aussi me permettre d’être un peu subversif à l’occasion, court-circuiter la version officielle du ministère en laissant certains questionnements flotter. »

Les brasseurs laissent aussi planer un certain flou artistique quant à la suite des choses ; pas question toutefois de déshabiller MonsRegius pour habiller Ministère, des soumissions ont déjà été faites pour l’achat de nouvelles cuves de brassage si jamais le besoin se faisait sentir. Pour l’heure, chaque brassin est unique, distribué dans quelques détaillants spécialisés à la faveur d’une centaine de caisses de 24 canettes. « Mais on va s’adapter en fonction de la réalité, assure Martin L’Allier. Comme on en est à nos balbutiements, il y aura peut-être des produits récurrents. J’espère en fait qu’un ou deux produits pourront s’établir à long terme, mais c’est difficile à réaliser dans le marché actuel. Les gens boivent pour le divertissement, ils essaient de nouvelles brasseries, de nouvelles marques. C’est un peu comme en musique, en fait, on ne réécoute pas la même chanson bien longtemps. »

Consultez le site de la brasserie MonsRegius