(Niagara-On-The-Lake) Un jour extrêmement froid, l’hiver dernier, a suffi pour causer des dégâts considérables aux cultures viticoles de Bill Redelmeier.

Des mois plus tard, la destruction était bien visible à Southbrook Vineyards, un vignoble biologique de Niagara-on-the-Lake, en Ontario.

Les sarments de vigne poussaient plus courts que dans une année typique, et cela, c’est quand ils poussaient. Les filets noirs utilisés pour protéger les vignes n’avaient pas été déroulés sur plusieurs rangs jugés trop abîmés pour être sauvés. Certaines feuilles brunissaient déjà, tandis que les raisins des plantes qui produisaient des fruits présentaient des dommages dans leur consistance et leur couleur.

Ce sont tous des signes de lésions vasculaires à l’intérieur des plantes résultant de la vague de froid de la mi-janvier – qui a été catastrophique non seulement pour M. Redelmeier, mais pour les viticulteurs de la région de Niagara, dans le sud de l’Ontario.

Il suffit d’une heure pour faire des ravages, relate M. Redelmeier.

PHOTO NICK IWANYSHYN, LA PRESSE CANADIENNE

Bill Redelmeier

L’évènement de gel qui, selon le viticulteur, a réduit la production de son établissement vinicole de 75 % cette année, et probablement de 50 % l’année prochaine, est un exemple des conditions météorologiques extrêmes auxquelles les producteurs de vin de l’Ontario sont confrontés dans un climat changeant.

Ces évènements sont difficiles à prévoir pour les viticulteurs, dit-il.

« Nous supposons que tout ce qui va se passer est quelque part dans notre mémoire. Nous avons maintenant des choses qui sortent de notre expérience », a-t-il expliqué.

Des ajustements nécessaires

La perte de récolte due à la vague de froid a forcé des ajustements pour l’entreprise de M. Redelmeier et d’autres vignobles dans la région. Avec une quantité limitée de vin disponible l’été dernier, Southbrook a dû choisir de réduire ses ventes à la LCBO – la société d’État qui distribue l’alcool dans la province – et à d’autres grands détaillants ou à ses propres clients. Ils ont décidé de se concentrer sur les ventes à leur base fidèle.

Le froid extrême ne vient pas immédiatement à l’esprit lorsqu’il s’agit des effets du changement climatique – qui se concentre souvent sur les augmentations de température. Mais les experts et les intervenants de l’industrie affirment que les fluctuations météorologiques extrêmes et imprévisibles ont un effet important sur l’industrie vinicole de l’Ontario et obligent les producteurs à réagir avec des changements de cap coûteux.

« L’Ontario n’est pas différent de n’importe où ailleurs dans le monde. Lorsque nous examinons les changements climatiques, les effets les plus importants que nous allons voir sont probablement les conditions météorologiques extrêmes », a déclaré Jim Willwerth, biologiste de la vigne à l’Université Brock.

Le changement climatique met au défi les viticulteurs du monde entier avec des conditions météorologiques extrêmes, allant de la grêle à la sécheresse en passant par la fumée des incendies de forêt. Les hivers froids ne sont pas nouveaux pour les viticulteurs de l’Ontario, a souligné M. Willwerth, mais les basses températures qui ont frappé l’hiver dernier faisaient suite à une période de journées relativement plus douces et une saison d’automne exceptionnellement pluvieuse. Cela signifie que les plants de vigne délicats n’étaient pas en mesure de développer la tolérance au froid dont ils avaient besoin pour survivre à l’hiver, a-t-il expliqué.

Tous les agriculteurs sont confrontés à des évènements météorologiques de plus en plus extrêmes, mais M. Willwerth a noté que les raisins sont particulièrement sensibles, car de légers changements climatiques peuvent affecter la saveur.

« Les raisins pourraient être le canari dans la mine de charbon en ce qui concerne le changement climatique », a-t-il avancé.

Des solutions coûteuses

Les viticulteurs ontariens ont des options pour atténuer les conditions météorologiques extrêmes, mais elles sont coûteuses.

Certains utilisent une technologie appelée géotextiles, qui couvrent les vignes avec ce qui est essentiellement une couverture pour réchauffer les cultures pendant les périodes de froid intense.

D’autres utilisent des éoliennes – une technologie qui réchauffe l’air autour des cultures par temps de froid extrême pour se protéger des dommages les plus graves.

Pour M. Redelmeier, les éoliennes sont une meilleure option pour son portefeuille compte tenu de l’aménagement et des besoins spécifiques de son vignoble.

Il estime que la technologie coûteuse maintient des températures légèrement supérieures à -25 °C et a probablement sauvé de nombreux plants de dommages permanents qui auraient nécessité de les arracher et de les replanter.

« Cela aurait pu être bien pire », a-t-il dit.

PHOTO NICK IWANYSHYN, LA PRESSE CANADIENNE

Bill Redelmeier

Certains producteurs, quant à eux, sont confrontés à des défis géographiques pour les technologies disponibles.

Ed Madronich, de Flat Rock Cellars à Jordan Station, en Ontario, à l’ouest de St. Catharines, a également constaté des dommages aux cultures lors du froid extrême de l’an dernier. Il envisage d’investir dans des géotextiles, parce que les éoliennes ne sont pas une option efficace dans son vignoble en raison du terrain en pente.

« Le changement climatique a certainement un impact, et cela coûte plus cher aux agriculteurs pour pouvoir atténuer les défis que le changement climatique nous impose », a déclaré M. Madronich par téléphone.

Le Cool Climate Oenology and Viticulture Institute de l’Université Brock, où M. Willwerth et d’autres experts mènent des recherches pertinentes pour l’industrie vinicole canadienne, a étudié l’impact économique des conditions météorologiques extrêmes sur les établissements vinicoles de l’Ontario. Une étude de 2014 a mené un scénario selon lequel la perte de vigne due à un épisode de froid entraînerait des pertes de 55,7 millions pour les viticulteurs sur cinq ans, y compris la perte de ventes et le coût de renouvellement et de remplacement des vignes.