Une croissance qui ne faiblit pas
Le marché des boissons végétales continue sa croissance amorcée durant la pandémie, nous confirme Leslie Ewing, directrice générale de Plant-Based Foods of Canada : « La catégorie des breuvages non laitiers continue d’afficher une croissance en dollars après la forte augmentation connue avec la COVID-19 en 2020 », soit de 19 % en 2020 et 4 % en 2021.
Même son de cloche du côté de Danone, à qui appartient la marque Silk, où la croissance ne semble pas vouloir faiblir, remarque Geneviève Bolduc, directrice, innovation et portfolio. Si la boisson végétale d’amande demeure à ce jour la plus vendue, « c’est vraiment l’avoine qui a le vent dans les voiles et vient recruter de nouveaux consommateurs », ajoute-t-elle.
Cofondateur de la firme ILOT, spécialisée en stratégie et gestion de marque dans le domaine alimentaire, Guillaume Mathieu remarque que cette tendance parle davantage aux plus jeunes.
« C’est vraiment un mouvement générationnel. Les images de marque de ces entreprises-là sont très ludiques, avec des couleurs hyper vives. Je suis convaincu qu’aucun baby-boomer ne se reconnaît dans le site web d’Oatly ! On dirait un combat pour devenir la marque la plus cool. »
Des nouveautés sur les tablettes
Les nouveaux produits qui tentent d’imiter le goût et l’onctuosité du lait comme NotMilk (à base de protéines de pois) ou Nextmilk (un mélange de soya, d’avoine et de coco) cherchent à séduire une clientèle qui n’a pas encore fait le saut végétal. « Avec ce produit qui connaît vraiment une belle croissance, on veut répondre aux attentes des consommateurs qui n’aiment pas nécessairement le goût des boissons à base d’avoine ou d’amande. C’est vraiment un nouveau type de produits qui change la dynamique du marché », croit Geneviève Bolduc.
Les longues listes d’ingrédients de ces produits transformés peuvent faire sourciller. On a d’ailleurs vu apparaître des produits minimalistes, comme la nouvelle gamme Naked à l’avoine d’Earth’s Own qui compte aussi peu que quatre ingrédients, sans carraghénane (un épaississant et stabilisateur) ni glyphosate (un herbicide). La popularité de l’avoine attire aussi de nouveaux acteurs québécois : Barista vient de lancer une boisson barista à base d’avoine canadienne embouteillée au Québec, alors qu’Oatbox vient d’annoncer qu’elle se lançait dans la production d’une base d’avoine en vue de commercialiser bientôt une boisson d’avoine originale et une version barista.
La question des amandes
Il est vrai que la culture d’amandes en Californie – d’où provient 80 % de la production mondiale – crée plusieurs problèmes. L’énorme quantité d’eau que requiert l’irrigation des amandiers soulève des doutes, ainsi que les dangers pour les abeilles, utilisées pour polliniser les immenses vergers d’amandiers. Chez DAM, ce sont des amandes biologiques d’Espagne qui sont utilisées dans la boisson concentrée d’amandes, ainsi que des graines de tournesol locales, explique Annie Lafleur, cofondatrice. « En Espagne, les amandes sont cultivées de façon beaucoup moins extrême, sur un plus grand territoire, avec de l’irrigation moins intensive », dit-elle.
Avec 4 % du volume, ce pays d’Europe était en 2018 le troisième producteur d’amandes au monde. La plupart des producteurs utilisent l’eau de pluie récupérée pour irriguer leurs plants. Cependant, la popularité de l’amande fait en sorte qu’on voit de plus en plus apparaître des cultures plus intensives en Espagne, ce qui peut être inquiétant pour un pays souvent victime de sécheresses. Mme Lafleur ajoute qu’en utilisant l’entièreté des amandes dans sa boisson concentrée – contrairement aux boissons d’amandes traditionnelles, qui sont filtrées –, DAM ne produit aucun déchet, et le consommateur peut profiter de tous les minéraux et fibres contenus dans la populaire noix.
Le soya et l’avoine : les meilleurs choix ?
Si la culture de l’avoine a généralement bonne presse – c’est une céréale cultivée au Canada qui demande beaucoup moins d’eau que l’amande –, la fève de soya a moins bonne réputation, même si elle est la seule boisson végétale dont l’apport en protéines peut rivaliser avec le lait. Sa culture intensive en Amérique du Sud (dont une grande partie est destinée à nourrir le bétail) contribue notamment à la déforestation de la forêt amazonienne et détruit des écosystèmes. De plus, ce soya génétiquement modifié requiert beaucoup de pesticides.
La bonne nouvelle : on cultive au Canada, notamment au Québec, du soya de très bonne qualité destiné à la consommation humaine.
Une étude publiée cette année par l’Université de Goettigen, en Allemagne, a comparé l’impact environnemental des trois boissons végétales les plus répandues (soya, avoine et amande) avec le lait de vache traditionnel et biologique selon 12 facteurs : gaz à effet de serre, consommation d’eau, acidification des sols, dommages potentiels aux écosystèmes… La conclusion ? Les boissons d’avoine et de soya biologique auraient le moins d’impact sur l’environnement. Mais si on prend en compte l’apport énergétique et en protéines de toutes ces boissons, les laits de vache obtiennent alors de meilleurs scores que les boissons d’avoine et d’amande. « Cette supériorité souligne la haute efficacité des vaches à convertir des ressources naturelles en protéines », ajoutent les auteurs de l’étude.
Consultez l’étude (en anglais)Le festival des allégations
Bref, il est loin d’être évident pour le consommateur préoccupé par l’environnement, mais aussi par sa santé et le bien-être animal, de faire un choix vraiment éclairé. En plus de l’empreinte écologique, il faut prendre en compte le transport, l’emballage, l’approvisionnement… C’est sans compter les différentes allégations des marques, qui viennent ajouter à la confusion : « C’est le festival de l’allégation ! Sans OGM, carboneutralité, réduction d’eau, local… Ça devient un peu impossible à comparer, car chaque entreprise fait ses allégations en se basant sur les critères qui l’avantagent. Le consommateur ne sait plus où se retrouver », estime Guillaume Mathieu, cofondateur d’ILOT.
Le lait de vache essaie aussi de redorer son image : aux États-Unis, la marque Neutral commercialise un lait bio qui dit « combattre les changements climatiques », et les Producteurs de lait du Canada ont annoncé viser la carboneutralité pour 2050.
Boisson d’amande bio importée ou d’avoine locale traditionnelle ? Lait de vache carboneutre ou boisson végétale ? La réponse, finalement, va varier selon vos critères, valeurs et… budget !
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- 70 %
- des abeilles pollinisatrices des États-Unis sont nécessaires durant la période de pollinisation des vergers d’amandiers en Californie.
Source : IFIS- 12
- litres d’eau sont nécessaires pour produire une seule amande.
Source : Université de Californie -
- 13 %
- des Québécois appartiennent au groupe de consommateurs « éthiques » et vont axer leurs choix en fonction de considérations environnementales, une catégorie surreprésentée chez les 18-34 ans.
Source : sondage web réalisé par Léger en partenariat avec la CITQ- 23
- millions d’hectares ont été nécessaires pour produire le soja entre 2019 et 2020.
Source : Eat4Change