Il y a ceux pour qui épicerie a toujours rimé avec corvée. Et il y a ceux qui ont vu ce plaisir fondre petit à petit devant la hausse des prix parfois décourageante et les tablettes vides. Malgré tout, il y a peut-être moyen d’y trouver son compte avec un brin de planification.

Des habitudes à réinventer

Jessika Langlois a toujours aimé faire l’épicerie. Elle le dit sourire aux lèvres, elle avait même l’habitude de danser dans les allées en faisant ses achats. Mais récemment… Elle hésite, avant de finalement admettre qu’elle a un peu perdu de son plaisir.

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Le congélateur de Jessika Langlois

« Je vais à l’épicerie pour acheter telle affaire, j’ai prévu ma semaine et mes achats en fonction des spéciaux, puis là j’arrive… et il n’y a plus rien. Ça fait que ma façon de fonctionner ne marche plus. »

Et quand elle regarde la circulaire de l’épicerie où elle a ses habitudes, elle éprouve une sorte de « syndrome de la page blanche » devant l’absence des rabais alléchants qui l’ont toujours inspirée dans le choix des repas.

Pourtant, la nutritionniste, qui a signé les livres Food Prep pour repas improvisés et Cuisiner avec ce qu’on a, n’est pas du genre à planifier systématiquement tous les repas de la semaine pour sa famille. « C’est correct pour les premières journées, mais après ça, je me suis rendu compte que quand je le faisais, il y avait toujours des imprévus qui décalaient des repas, ce qui fait que, finalement, je finissais par perdre des affaires. »

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Jessika Langlois, autrice de Cuisiner avec ce qu’on a

Ce n’est pas pour nous de planifier toutes les journées, donc je devais me débrouiller avec une autre façon de faire.

Jessika Langlois, nutritionniste

C’est d’ailleurs comme ça qu’elle en est venue à mettre en place une autre forme d’organisation, où son congélateur est devenu un précieux allié. Il n’y a pas grand légumes qu’on n’y trouvera pas, sauf peut-être des concombres ou de la laitue, parmi les seuls qui sont impossibles à congeler. Céleris, carottes, courgettes, navets… « Les poivrons, ce n’est pas achetable parfois, et d’autres fois, ils sont presque donnés », dit-elle. C’est à ce moment-là que ça vaut la peine de les ajouter à sa liste et de les conserver, à son avis.

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Le congélateur de Jessika Langlois

« Il faut juste couper les légumes en petits dés et les congeler d’abord sur une plaque pour éviter qu’ils se congèlent en gros pain. Les oignons et les champignons, par exemple, on en ajoute une petite poignée pour faire revenir quelque chose et ça donne beaucoup de saveur au plat. »

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Jessika Langlois prépare des carottes à congeler sur une plaque.

Miser sur les listes

Marja Monette-Millette, elle, adore les listes. Pour tout. Son congélateur tombeau a son propre inventaire, avec contenu et dates de congélation. « C’est facile de perdre le contrôle, alors de savoir ce qu’on a, ça nous permet de faire une rotation », surtout pour la viande, dit l’autrice du blogue La parfaite maman imparfaite et du livre Planification parfaite pour familles imparfaites.

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Marja Monette-Millette, autrice du livre Planification parfaite pour familles imparfaites

Depuis quelques années, la mère de deux jeunes enfants ne jure plus que par ses listes. Grâce à elles, fini les arrêts de dernière minute à l’épicerie en semaine, en raison d’un oubli (et le stress qui vient avec…).

Parmi ses indispensables, il y a celle sur son frigo, où elle note systématiquement tout ce qui vient à manquer durant la semaine. Puis il y a celle qu’elle emporte à l’épicerie, divisée en catégories pour éviter les allers-retours entre les rangées, et qu’elle a fait plastifier – une astuce qui lui permet de la remplir avec un crayon effaçable et de la nettoyer avec un linge humide à son retour à la maison.

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Et si elle préfère cette version papier plutôt qu’une liste sur son téléphone, par exemple, c’est qu’elle lui permet d’éviter toutes sortes de distractions – notifications, messages… – qui rallongeraient son temps à l’épicerie. « J’ai un défi personnel : en 30 minutes top chrono, je suis sortie, dit-elle. J’arrive là, je sais ce qu’on va manger, je suis organisée et je ne me laisse pas influencer, donc ça me prend moins de temps, je dépense moins et ça fait en sorte que c’est beaucoup moins stressant. »

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La liste d’épicerie de Marja Monette-Millette

Téléchargez la liste d’épicerie de Marja Monette-Millette

Elle s’arrange également pour faire son épicerie tôt le matin, quand c’est encore tranquille, et le plus tôt possible après le début des rabais hebdomadaires, quand les tablettes ont le plus de chances d’être garnies.

« Je pense qu’il faut aussi arriver à réapprendre à ne pas nécessairement vouloir avoir accès à tous les aliments tout le temps, comme on y a été habitués », estime Eve-Lyne Auger, autrice du livre Dévorer les légumineuses et créatrice du magazine en ligne de cuisine végétarienne La Fraîche.

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Eve-Lyne Auger, autrice du livre Dévorer les légumineuses

À son avis, il ne faut pas avoir peur d’oser la substitution d’aliments, qui peut avoir des résultats très intéressants. Que ce soit pour remplacer les fraises dans son gruau ou pour préparer une recette. « On peut faire des tacos mexicains avec de la courge, c’est super bon ! Ou avec des pois chiches », illustre celle qui est végétarienne depuis une dizaine d’années.

« Ce qui arrive, c’est que si on reste pris dans les aliments vers lesquels on se tourne tout le temps, c’est là que le panier d’épicerie devient vraiment dispendieux », souligne Eve-Lyne Auger.

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Dix conseils pour une épicerie futée

L’envie vous prend de faire des listes avant d’aller à l’épicerie ? Voici quelques conseils éprouvés à garder en tête.

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Reconnaître les vrais rabais

Jessika Langlois recommande de toujours vérifier le prix par 100 g ou par 100 ml, car c’est ainsi qu’on voit si on a un bon rabais. Et rappelez-vous : « Ce n’est pas parce que c’est dans la circulaire que c’est un bon rabais », souligne Marja Monette-Millette.

Profiter des aubaines

Certains aliments valent la peine d’être achetés en quantité lorsqu’ils sont soldés. Mais attention aux dates de péremption ! « Avec les pâtes, on ne se trompe pas parce qu’elles peuvent facilement être à moitié prix », estime Jessika Langlois. Même chose pour le riz, les protéines de poisson en conserve (dont le prix a beaucoup augmenté, note-t-elle), les conserves de tomates et de légumineuses. La nutritionniste aime également acheter au rabais les bouillons sans sel et les tortillas (qui se conservent assez longtemps au garde-manger ou se congèlent).

Ne pas se laisser influencer

Peu importe le prix d’un aliment, il ne faut jamais en acheter plus que ce qu’on consomme, insiste Jessika Langlois. « Est-ce que j’en mange ? C’est ça, la question qu’il faut se poser parce que ça a beau être en rabais et pas cher, si notre famille n’en mange pas tant que ça, ça va finir par passer date à un moment donné. »

Varier sans se compliquer la vie

Marja Monette-Millette croit qu’on accorde beaucoup trop d’importance au fait de diversifier les menus et les ingrédients. « On mange du poulet trois fois cette semaine ? C’est correct ; j’ai profité d’un spécial qui valait la peine et je l’ai décliné en trois menus – des quesadillas, un club sandwich et du poulet rôti. C’est quand même trois soupers avec une seule base. »

Substituer pour ne pas dépasser son budget

« Le chou-fleur n’est pas en spécial, mais le brocoli l’est ? Alors ça sera du brocoli cette semaine, ce n’est pas grave, dit Eve-Lyne Auger. On est capable de faire de la substitution d’aliments dans les recettes ; il faut se faire confiance par rapport à ça. »

Congeler méthodiquement

Quand la viande est à bon prix, Marja Monette-Millette n’hésite pas à en acheter pour la congeler. « L’erreur à ne pas faire, c’est de la mettre directement dans le congélateur dans l’emballage de l’épicerie, parce que c’est là qu’elle va brûler, changer de texture ou de goût. Comme ce sont souvent les formats familiaux qui sont en spécial, je les mets sous vide en formats d’à peu près une livre – qui est souvent la quantité demandée pour les recettes –, et je vais inscrire une date pour ne pas les garder trop longtemps. »

Garnir son garde-manger

Eve-Lyne Auger a toujours une grande variété de céréales sèches – quinoa, riz, pâtes alimentaires au blé entier, millet, orge… – dans son garde-manger, et un bon choix d’épices – à saveur mexicaine ou des caris… Elle s’assure ainsi d’avoir une bonne base à laquelle elle vient ajouter des légumes du congélateur et des légumineuses, pour des repas de dernière minute savoureux.

Miser sur les œufs

En plus d’être nutritifs, les œufs s’apprêtent d’une foule de façons. « Moi, deux douzaines d’œufs, je ne suis pas gênée d’acheter ça quand c’est en spécial », souligne Jessika Langlois. Quand on est végétarien, c’est également une protéine rapide à préparer et économique, ajoute Eve-Lyne Auger. « Si on a des œufs et on ne sait pas quoi cuisiner, on est pressé, on peut se faire deux œufs brouillés avec des légumes à côté ou même un riz frit avec des fèves edamame et des haricots mungos germés, et on a un repas complet. »

Cibler le fromage

Pour économiser, Marja Monette-Millette a notamment arrêté d’acheter du fromage déjà râpé. « C’est fou quand on regarde la différence de prix », note-t-elle. Comme Jessika Langlois, elle achète en quantité les briques de fromage au rabais ; celles-ci peuvent rester une longue période au frigo ou même être congelées, râpées ou en cubes. Eve-Lyne Auger, elle, aime toujours avoir de la feta sous la main parce qu’en plus de se conserver longtemps, elle est facile à ajouter à quantité de recettes pour donner du goût.

Apprivoiser les légumineuses

Quand on a un peu de temps, Eve-Lyne Auger suggère d’essayer les légumineuses sèches, beaucoup plus économiques qu’en conserve. « Et au niveau du goût, c’est vraiment différent ; on peut ajouter des aromates dans l’eau de cuisson pour leur donner une saveur intéressante, comme des feuilles de laurier avec les pois chiches. » À prévoir : une nuit de trempage et, le lendemain, un maximum de 2 h 30 min de cuisson (selon la taille de la légumineuse). On en fait cuire une grosse quantité ? On les congèle individuellement sur une plaque avant de les ensacher. « Ça se décongèle hyper rapidement, comme des petits pois verts, puis on les fait blanchir légèrement et on les ajoute à n’importe quelle recette. »