Quel poisson peut-on manger la conscience (à peu près) tranquille ? L’enquête de La Presse sur le saumon du Chili, publiée à l’automne 2022, avait coupé l’appétit de bien des consommateurs. Mais — hourra ! — il existe quelques choix écoresponsables, dont l’omble chevalier d’Opercule. Et ce n’est pas une blague.

Poisson urbain

  • Au Bar St-Denis, David Gauthier prépare un omble de Kenauk au beurre blanc.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Au Bar St-Denis, David Gauthier prépare un omble de Kenauk au beurre blanc.

  • Deux ombles en préparation au Bar St-Denis

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    Deux ombles en préparation au Bar St-Denis

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Élevé ici même à Montréal, l’omble chevalier d’Opercule est une solution de rechange à la fois durable et délicieuse.

Salmonidé indigène du Québec, l’omble est riche en une foule de vitamines et minéraux, D, A, oméga-3, phosphore, magnésium, zinc, etc. Sa génétique est près de celle de la truite. Chez Opercule, qui achète des œufs certifiés sans maladie, le poisson est élevé sans antibiotiques, ni pesticides, ni hormones de croissance.

Certes, ce n’est pas demain que la pisciculture urbaine nourrira le Québec, ni même la métropole. Mais si le modèle se montre aussi efficace à long terme qu’il semble prometteur aujourd’hui, il fera sans doute des petits.

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Nicolas Paquin, cofondateur d’Opercule

La pisciculture Opercule est installée au sous-sol de la Centrale agricole, rue Legendre, dans le District central. Elle a commencé à commercialiser ses beaux spécimens il y a à peu près deux mois. « En juillet, il y en a qui auront atteint 1,5 kg », lance fièrement le cofondateur Nicolas Paquin, tandis que nous observons les ombles dans un des cinq grands bassins où ils se tiennent en banc serré.

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Chez Opercule, le poisson est élevé sans antibiotiques, ni pesticides, ni hormones de croissance.

Ce n’est pas le cas de toutes les espèces, mais l’omble chevalier aime bien vivre collé à ses semblables. Ça en fait donc un bon poisson d’élevage. Mine de rien, ils sont environ 25 000 poissons de la génération 2021 et 50 000 tout-petits de la génération 2022, chez Opercule.

Les bonnes tables

Plusieurs excellents restaurants montréalais les ont (ou les ont eus) au menu, comme Foxy, Knuckles, Montréal Plaza, Lawrence et Ratafia, entre autres. Le chef du Candide, John Winter Russell, a été un testeur et client de la première heure. Il admet être un « grand fan » du produit.

Au Knuckles, le chef Vincent Lévesque Lepage prépare un des plus beaux plats de poissons qu’on ait vu récemment. Il confit doucement l’omble dans l’huile de caméline — un autre de nos trésors gourmands québécois — puis le sert avec un sabayon aux moules fumées et un jus d’oseille. Le tout est ponctué de petites chanterelles marinées dont le vinaigre contraste avec la richesse de la sauce. Une version adaptée de la recette se trouve plus bas.

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Le chef Vincent Lévesque Lepage, du Knuckles, sert l’omble d’Opercule à son restaurant.

« C’est impossible d’avoir un poisson plus frais à Montréal », jubile le chef qui produit une cuisine bien gourmande avec des ingrédients presque exclusivement de chez nous. L’oseille de sa recette vient d’ailleurs de la ferme urbaine Tulsi, voisine d’Opercule à la Centrale agricole. Les deux produits sont livrés à vélo par l’entreprise Roue libre.

En épicerie

Mais il n’y a pas que les chefs professionnels qui ont accès à l’omble d’exception. Les « pêches » d’Opercule ont fait leur entrée dans quelques épiceries : IGA Duchemin, Metro Ville Mont-Royal, Metro Westmount et l’épicerie Conserva, sur la Plaza St-Hubert. Il est donc possible de cuisiner ce beau poisson à la maison.

Les poissonniers reçoivent l’omble entier et peuvent lever les filets. Le coût se situe entre 22 et 27 $ la livre pour les filets et 16 $ pour le poisson entier. On pourra le confire, le cuire à la vapeur, le rôtir au four, le griller sur le barbecue, etc.

La particularité de l’omble est la délicatesse de sa chair, tant en goût qu’en texture. La méthode d’abattage y est pour quelque chose. Les poissons sont d’abord « étourdis », puis saignés. Chez Kenauk Pisciculture, le directeur Cédric Philibert, qui a fait quatre ans d’études d’aquaculture en France, verse même quelques gouttes d’huile essentielle de clou de girofle dans l’eau des poissons avant l’abattage, ce qui les endort carrément.

David Gauthier, chef du Bar St-Denis, est un des très peu nombreux clients de Kenauk, de par ses relations privilégiées avec Denis Ferrer, responsable des ventes en restauration. L’ancien directeur des regrettés Cerfs de Boileau est employé de l’entreprise située à Montebello. Celle-ci a remis sa pisciculture à niveau dans les dernières années, après quelques décennies de dormance.

La pisciculture aux abords du lac du Poisson Blanc a comme vocation première de produire des truites pour l’ensemencement. Son poisson est tellement demandé dans les lacs du Québec qu’elle ne fournit pas. Mais Denis Ferrer aime beaucoup trop travailler avec la restauration pour ne pas lui garder quelques belles prises. C’est pourquoi il y a aussi des bassins d’ombles.

Autour de Noël, les poissons arrivent même la panse remplie d’œufs que des chefs comme David Gauthier s’empressent de prélever, de saumurer et de conserver au congélateur. « C’est vraiment un produit exceptionnel », confirme celui qui a travaillé au Pied de cochon avant d’ouvrir son propre restaurant avec Emily Homsy. Au menu jusqu’à récemment, son poisson au beurre blanc, aux poireaux et à l’oseille sanguine était ponctué de beaux œufs orange.

D’autres belles adresses à plus grand volume comme le Montréal Plaza ont décidé de travailler avec les deux piscicultures. Plus près de Québec, les restaurateurs travaillent avec l’omble de Pisciculture de Charlevoix. Chose certaine, de la place pour du poisson d’élevage de qualité, il y en a sur nos tables !

Petite histoire de la pisciculture

PHOTO FOURNIE PAR OPERCULE

Cet omble chevalier d’Opercule a bien grandi.

La pisciculture existe depuis des milliers d’années. En Chine, par exemple, on a toujours mis des poissons dans les rizières pour fertiliser.

Mais l’élevage de poisson a eu très mauvaise presse dans les dernières décennies en raison de son utilisation intensive d’eau, d’antibiotiques et de pesticides, ainsi que pour le manque de filtration des eaux usées qui étaient rejetées dans les lacs et rivières. Heureusement, les systèmes de filtration se sont beaucoup améliorés ces dernières années et la conscience écologique s’est éveillée.

« Aujourd’hui, la capacité de production d’une pisciculture en nature correspond à la capacité du cours d’eau adjacent à recevoir un certain montant de nutriments. L’eau a beau être filtrée à plein d’étapes, il reste toujours une petite quantité de nutriments qui sont solubles dans l’eau », explique Cédric Philibert, de Kenauk.

Chez Opercule, la capacité est surtout dictée par la taille des installations et la demande du marché, puisque l’eau (de la Ville de Montréal) est à 99,8 % recirculée dans le système.

Omble chevalier, omble de fontaine ou omble de l’Arctique ?

L’omble chevalier et l’omble de l’Arctique sont le même poisson (salvelinus alpinus), qui peut vivre uniquement en eau douce ou être anadrome (séjourne en mer, puis fraie et hiverne en eau douce). L’omble de fontaine (salvelinus fontinalis), lui, est une truite mouchetée. Opercule et Pisciculture de Charlevoix élèvent de l’omble chevalier pur, tandis que Kenauk fait dans l’omble de fontaine.

Consultez l’article de La Presse sur Opercule Consultez l’article du Droit sur Kenauk Pisciculture Consultez le site d’Opercule Trouvez de l’omble de Pisciculture de Charlevoix

Omble chevalier confit

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Omble chevalier confit avec sauce sabayon à l’oseille, par le chef Vincent Lévesque Lepage, du restaurant Knuckles

Une recette de Vincent Lévesque Lepage, chef du restaurant Knuckles

Rendement : 2 portions

Ingrédients

  • 2 filets d’omble chevalier d’environ 150-200 g chacun, avec ou sans peau
  • 150 ml d’huile de caméline*

Ingrédients pour la sauce sabayon

  • 3 jaunes d’œufs
  • 50 ml d’eau
  • Une poignée d’oseille verte (remplacer par du persil si vous n’avez pas d’oseille, mais dans ce cas, ajouter 10 ml de jus de citron)
  • 1 c. à thé de sel
  • 3 gouttes de fumée liquide

Garnitures

  • Chanterelles marinées (ou autres champignons marinés)
  • Oseille sanguine (peut être remplacée par de l’aneth)

Préparation

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Confire doucement le filet d’ombre dans l’huile.

  1. Chauffer l’huile de caméline dans une poêle au minimum jusqu’à ce qu’elle atteigne 55 oC. Déposer les filets de poisson dans l’huile à 55 oC et laisser confire pendant 13 minutes.
  2. Pendant ce temps, verser un fond d’eau dans une casserole et amener à ébullition. Placer un cul-de-poule par-dessus pour en faire un bain-marie pour la sauce sabayon.
  3. Mettre tous les ingrédients du sabayon dans le mélangeur et mixer pendant 45 secondes au maximum. Verser ce mélange dans le cul-de-poule du bain-marie et fouetter vigoureusement. Le liquide va mousser et cuire en même temps. Quand il aura atteint 65 oC (attention de ne pas se brûler la main en tenant le cul-de-poule), retirer du feu et mettre le sabayon de côté avec un couvercle.
  4. Une fois le poisson confit, le retirer délicatement avec une spatule et déposer sur un papier absorbant pour retirer l’excédent d’huile.

Montage

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Dresser l’assiette en versant la sauce sabayon doucement sur le filet d’omble confit.

  1. Déposer le filet de poisson au centre de l’assiette.
  2. Verser la sauce sabayon avec une cuillère pour bien recouvrir et napper le poisson.
  3. Ajouter des morceaux de champignons marinés un peu partout et finaliser avec de l’oseille sanguine ou de l’aneth.

* L’huile de caméline est commercialisée par la marque québécoise Signé Caméline. Ses produits sont offerts dans de nombreux points de vente à travers la province.

Consultez le site de Signé Caméline