(Saint-Césaire) Beaucoup plus qu’au Québec, la fête de Pâques a conservé son caractère religieux en Amérique latine, si bien qu’on en ressent encore pleinement l’influence dans les assiettes. Plus nombreux chaque année dans les fermes et les usines québécoises, les travailleurs latinos amènent avec eux leurs traditions culinaires. Chez El Rancho Latino, à Saint-Césaire, les plats typiques de la période pascale sont à l’honneur. Visite et dégustation !

La mer au menu pour Pâques

Ouvert en 2017 à Saint-Césaire, El Rancho Latino est devenu le lieu de rendez-vous par excellence des travailleurs étrangers des usines et des fermes du centre de la Montérégie – et pas seulement durant la période des célébrations de Pâques ! Pendant la haute saison, pas moins de 700 travailleurs convergent ici les jeudis de jour de paie pour goûter la cuisine de Gilda Valiente et Antonio Salazar.

  • Les tacos de crevettes panées, servis avec avocats, chou rouge et carottes, sont aussi prisés au Mexique pendant la période pascale.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Les tacos de crevettes panées, servis avec avocats, chou rouge et carottes, sont aussi prisés au Mexique pendant la période pascale.

  • El Rancho latino offre plusieurs plats traditionnels servis à l’occasion de Pâques en Amérique latine.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    El Rancho latino offre plusieurs plats traditionnels servis à l’occasion de Pâques en Amérique latine.

  • Les tacos birria, avec bœuf effiloché et fromage, sont trempés dans le bouillon qui a servi à la cuisson lente de la viande, selon la tradition mexicaine.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Les tacos birria, avec bœuf effiloché et fromage, sont trempés dans le bouillon qui a servi à la cuisson lente de la viande, selon la tradition mexicaine.

  • Servi comme au Mexique dans deux tortillas de maïs, le taco de porc et ananas se déguste avec une salsa verde. Goûteuses à souhait, toutes les recette de sauces d’El Rancho Latino sont uniques à l’établissement de Saint-Césaire.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

    Servi comme au Mexique dans deux tortillas de maïs, le taco de porc et ananas se déguste avec une salsa verde. Goûteuses à souhait, toutes les recette de sauces d’El Rancho Latino sont uniques à l’établissement de Saint-Césaire.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Pour la restauratrice d’origine guatémaltèque, voir les travailleurs latinos heureux est sa raison d’être, c’est ce qui la touche droit au cœur. Arrivée au Québec il y a 41 ans avec sa famille, Mme Valiente offre en effet une expérience culinaire latino-américaine comme on en voit peu chez nous. Mais elle s’est d’abord fait connaître en livrant ses plats directement aux fermes. « J’ai commencé aux alentours de Marieville, où j’habitais, se rappelle-t-elle. Mais je me suis ensuite aperçue que beaucoup de travailleurs passaient à Saint-Césaire pour faire l’épicerie et aller à la banque. Je me suis dit que ce serait l’endroit idéal pour ouvrir une petite épicerie de produits latinos et un comptoir de transfert de fonds. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Copropriétaire du El Rancho latino avec son fils Josue (au centre), Gilda Valiente est aidée en cuisine par son conjoint Antonio Salazar.

Depuis que j’ai 8 ans, je suis toujours les deux mains dans la bouffe. Je cuisinais pour mes parents, mon frère et mes quatre sœurs, qui sont aujourd’hui installés à Marieville, Laval et Longueuil.

Gilda Valiente, copropriétaire d’El Rancho Latino

Le volet restauration s’est toutefois ajouté presque aussitôt en réponse à la demande grandissante pour cette cuisine latino-américaine authentique. Pendant le carême, cela se traduit par des plats de poisson et de fruits de mer – certains vont consommer du poulet, mais les plus pieux vont s’en tenir aux produits de la mer.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La salle à manger d’El Rancho Latino est particulièrement bondée les jeudis soirs.

« Au Mexique, tous les restaurants de fruits de mer sont pleins pendant la période pascale, nous dit Gilda Valiente. Pendant cette période, les cocktails de fruits de mer, les tacos de crevettes, les poissons et les doigts de poisson frits sont très répandus. Au Guatemala, on mange du poisson enrobé d’œuf puis frit entier, le tout servi en sauce ; c’est le repas typique de Pâques. »

Chez El Rancho Latino, c’est l’aquachile qui est très populaire pendant la période précédant Pâques, un cocktail de crevettes et de concombres plein de fraîcheur – on vous donne la recette dans l’onglet suivant. Les tacos de crevettes panées sont aussi très prisés, un plat qui est la spécialité d’Antonio Salazar, arrivé au Québec il y a quatre ans comme travailleur saisonnier, mais qui est resté après avoir trouvé l’amour auprès de Gilda Valiente. « Je l’ai rencontré alors que je livrais des repas dans la ferme où il était employé, nous confie-t-elle. On s’est marié et il m’aide depuis en cuisine ; il a d’ailleurs ajouté plusieurs éléments mexicains au menu. »

On parle notamment des tacos au porc effiloché et ananas, de même que des tacos au bœuf et fromage, deux plats qu’on ne mange pas le Vendredi saint, mais qui sont dégustés pour Sabado de Gloria – principale célébration pour bien des Latino-Américains. « Samedi de gloire, c’est là qu’on va recommencer à manger de la viande, nous raconte Gilda Valiente. Tout le monde s’en va à la plage et c’est la fête. Mais on doit éviter la chicane, on n’emploie aucun langage vulgaire, on doit faire preuve du plus grand respect. »

Les juges les plus sévères sont bien sûr les travailleurs étrangers, qui constituent près de 55 % de la clientèle d’El Rancho Latino – c’était près de 90 % lors de l’ouverture du restaurant, il y a six ans. « Il faut que ce soit bien fait parce que le travailleur agricole qui arrive, il est habitué aux repas de son pays, affirme Gilda Valiene. Et un Mexicain qui vient manger ici fait la conversion en pesos, alors si le prix ne convient pas, il ne reviendra pas. » La restauratrice n’hésite donc pas à demander l’avis et les recommandations de ses clients latinos, c’est pourquoi elle s’approvisionne directement d’importateurs d’Amérique latine – elle ne lésine pas sur les piments secs du Mexique, qui sont, semble-t-il, le secret du goût de la birria d’El Rancho Latino.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

El Rancho Latino est également un comptoir de transfert de fonds, un service apprécié par les nombreux travailleurs du Mexique et du Guatemala employés dans la région de Saint-Césaire.

Les ingrédients utilisés en cuisine se retrouvent par ailleurs dans la section épicerie de l’établissement, qui doit agrandir bientôt : le local adjacent accueillera davantage d’étalages pour les produits d’épicerie en plus du comptoir de transfert de fonds, ce qui devrait permettre d’ajouter quelques tables en salle à manger, pour un total de plus de 40 places, en plus de la vingtaine sur la terrasse. Cela devrait aussi permettre de libérer un peu d’espace en restaurant, notamment les jeudis, où la file d’attente peut s’étirer jusqu’à l’extérieur du commerce. Gilda Valiente recommande d’ailleurs aux visiteurs de venir le vendredi ou le samedi pour profiter d’une expérience plus conviviale.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La section épicerie d’El Rancho Latino sera bientôt relocalisée dans le local voisin. Les tortillas actuellement importées seront par ailleurs bientôt remplacées par des tortillas maison, fabriquées sur place à l’aide d’une machine de 750 kg importée du Mexique. El Rancho Latino sera l’un des très rares endroits au Québec à fabriquer ses propres tortillas de maïs.

El Rancho Latino est en quelque sorte une parcelle d’Amérique latine en plein cœur de la Montérégie. « Les travailleurs se rejoignent ici pour voir les cousins et amis qui sont dans d’autres fermes de la région, soutient Gilda Valiente. Ils passent un bon moment ensemble, c’est souvent le seul moment où ils peuvent se voir, car il ne faut pas oublier qu’ils sont ici pour travailler. »

Adresse : 2054, route 112, Saint-Césaire

Torrejas, dessert typique du carême

PHOTO GETTY IMAGES

Le torrejas est au menu un peu partout en Amérique latine pendant la période du carême.

Inspiré étroitement d’une tradition venue d’Espagne, le torrejas est au menu un peu partout en Amérique latine pendant la période du carême. Il s’agit en fait de pain perdu enrobé dans un mélange d’œufs fouettés, puis légèrement frit et servi dans une généreuse quantité de sirop de cassonade assaisonné de cannelle et de clou de girofle. « C’est vraiment un dessert populaire dans les coutumes latines, ma mère nous en a justement servi le week-end dernier, nous raconte Gilda Valiente. On utilise idéalement des tranches de baguette de pain rassis, c’est presque comme du pain doré. » Il existe au Mexique une variante appelée capirotada, cuisinée de la même façon, mais à la manière d’un pouding au pain garni de noix, de graines, de fruits et parfois aussi de fromage vieilli. Selon la tradition, le pain représenterait le corps du Christ, le sirop épicé représente son sang, les clous de girofle symbolisent les clous et des bâtons de cannelle entiers représentent la croix.

Aguachile : délicieux carême

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Frais et parfumé, l’aguachile est servi avec des nachos de tortilla.

Recette latino-américaine typique, les crevettes sont marinées dans un jus de lime préparé avec piment fort, coriandre et épices, à la manière d’un ceviche. Frais et parfumé, c’est l’un des plats par excellence de la période pascale en Amérique latine, mais il c’est aussi le mets idéal pour accueillir le beau temps.

Rendement : 4 portions

Ingrédients

  • 900 g de crevettes
  • 10 limes
  • 1 piment Serrano haché
  • Coriandre finement hachée, au goût
  • Sel et poivre, au goût
  • 2 concombres, tranchés en demi-lune
  • 1 oignon rouge, tranché en juliennes

Préparation

  • Mélanger le jus des limes, le piment, la coriandre, le sel et le poivre.
  • Mariner les crevettes dans le mélange pendant au moins deux heures.
  • Ajouter la garniture de concombres et d’oignon, bien mélanger.
  • Servir avec des nachos de tortilla maison.