À travers les bons coups et, parfois, les moins bons, nos critiques de restaurants vous racontent leur expérience, présentent l’équipe en salle et en cuisine, tout en expliquant ce qui a motivé le choix du restaurant. Cette semaine, un cadeau du ciel à la fois pour les personnes qui ne peuvent consommer de gluten et pour celles qui aiment la cuisine variée et parfumée de l’archipel indonésien : Satu Lagi.

Pourquoi en parler ?

Les cuisines indonésienne et malaisienne n’ont peut-être pas une très grande représentation à Montréal, mais chez Satu Lagi, avenue du Mont-Royal Est, elles sont honorées comme nulle part ailleurs dans la métropole – de plus, aucun ingrédient contenant du gluten n’a droit de passage. La recherche de goûts « authentiques », la reproduction de plats dont la majorité des Québécois ignorent l’existence et le refus du compromis sont une promesse de grand voyage culinaire.

Prenez le sambal. Ce condiment essentiel à base de piments assemblés à une foule d’autres ingrédients connaît des dizaines de déclinaisons. Il y a par exemple le matah, un sambal cru à base de piments, d’échalote, d’ail, de feuille de lime kaffir, de citronnelle, etc. Le terasi, lui, est une version plus aigre-douce du sambal, avec pâte de crevette. Puis il y a le geprek, le santan, le kemangi et le plus piquant de tous, dont la version commerciale se vend dans toutes les épiceries, le sambal oelek.

Qui sont-ils ?

  • Kevin Larken est propriétaire.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Kevin Larken est propriétaire.

  • Jérôme Villarasa est un membre essentiel de l’équipe de cuisine.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Jérôme Villarasa est un membre essentiel de l’équipe de cuisine.

1/2
  •  
  •  

Le propriétaire Kevin Larken a d’abord ouvert le comptoir Krapow en 2021, quelques portes plus à l’ouest, sur l’avenue du Mont-Royal. Celui-ci vient de déménager dans l’ancien Tampopo, rue de Mentana. Avec Satu Lagi, il a voulu offrir une expérience de restauration plus complète, se concentrer sur la cuisine indo-malaise et arroser le tout de bonnes choses à boire. Le chef Jérôme Villarasa l’a suivi. Dans l’équipe de cuisine, il y a aussi Dandia Ojo, originaire de Bandung, ville du Java Occidental. Il a travaillé dans le seul restaurant indonésien d’Edmonton. Nay Arends a une grand-mère indonésienne et revient tout juste d’un voyage dans l’archipel. Il était en cuisine au Little Sister, « food bar » indonésien de Toronto. Nur Dana, de l’île de Lombok, transmet ses recettes familiales à l’équipe. Jayson de Guzman, d’origine philippine, a travaillé dans plusieurs bonnes tables de Montréal, dont Ludger.

Notre expérience

J’avais peut-être choisi le pire soir pour me présenter au Satu Lagi. Ce mercredi-là, une bonne partie de l’équipe était occupée à déménager le Krapow dans sa nouvelle maison. Le barman était en vacances. La salle était calme. Mais tout cela ne nous a pas empêchés, mon compagnon d’aventures gustatives et moi, de passer une très agréable soirée au comptoir, sous les bons soins de Matteo, notre aspirant mixologue/serveur au naturel désarmant.

Un repas ici commence habituellement avec quelques « collations », à grignoter avec un cocktail, peut-être. Les champignons frits (Jamur jamur) avec feuille de cari sont particulièrement populaires, et pour cause. Leur panure riche en coriandre, cumin, curcuma et cannelle transforme ces petites bouchées de pleurotes en véritables bonbons. Dans la catégorie friture, les pilons de poulet croustillants sont également très bien faits. Nous avions opté pour celui qui dégouline de miel fermenté épicé, et nous ne l’avons pas regretté.

  • La raie posée sur sa délicieuse sauce aromatique

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    La raie posée sur sa délicieuse sauce aromatique

  • Ces « bonbons » de pleurotes sont très populaires.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Ces « bonbons » de pleurotes sont très populaires.

  • On a rarement vu une si belle croûte sur des pétoncles.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    On a rarement vu une si belle croûte sur des pétoncles.

  • Cette cuisse de canard a l’air toute simple, mais elle est très travaillée.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Cette cuisse de canard a l’air toute simple, mais elle est très travaillée.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Les satays sont incontournables sur une table indonésienne. Satu Lagi propose un bel assortiment de ces fines brochettes au poulet ou au bœuf pratiquement toujours accompagnées de sauce aux arachides. Il y a aussi une version végétarienne au tempeh. La cuisine travaillait sur des brochettes à la courge lors de notre plus récent passage. Bref, faites vos choix !

La section suivante du menu a été baptisée « Tapas », mais il s’agit plutôt d’assiettes de taille moyenne. C’est sous cet intitulé qu’on trouve la fameuse salade tiède gado gado, le parfumé cari de bœuf rendang (avec son délicieux pendant végétal au jacquier) ainsi que le poisson entier frit, croustillant comme des chips, que l’on peut manger de la tête à la queue, en trempant dans les deux sauces d’accompagnement.

Fascinés, nous observons un cuisinier tandis qu’il prépare notre « Tauhu Telur Goreng » avec beaucoup de patience. Ce mélange de tofu et d’œuf est monté dans la poêle à la manière d’un soufflé, à grands coups de louchées d’huile chaude. C’est impressionnant à regarder et décadent à manger.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Il y a une cinquantaine de places dans la salle à manger.

Lorsque je retourne au restaurant avec le photographe, Kevin décide de me faire goûter à des plats que nous n’avons pu commander la fois précédente, faute d’estomac de rechange. L’aile de raie grillée, bien moelleuse, est posée sur une sauce très aromatique à base de basilic citron (kemangi), de citronnelle, de galangal, d’échalote, de piments verts et de feuille de kaffir. La cuisse de canard frite, avec son condiment de sambal matah, est une autre belle découverte.

Bref, ce ne sont pas les options dépaysantes qui manquent et, à moins que vous ayez absolument besoin de clore un repas sur une note sucrée, je vous conseille plutôt de commander un ou deux plats de plus. Les desserts sont loin d’être mauvais – bien que la première version de crème brûlée au pandan (une plante au goût vanillé) que j’ai mangée n’ait pas été suffisamment figée –, mais la cuisine excelle avant tout dans le salé.

Dans notre verre

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La plus récente création cocktail de la maison, Bumbu labu, à base de citrouille, curcuma, anis, vodka, cointreau et Kahlua

Au Satu Lagi, on ne laisse rien au hasard et la carte des boissons est particulièrement touffue. À mon arrivée pour la prise de photo, Kevin est en train d’agiter ce qu’on pourrait qualifier d’équivalent cocktail – et pas du tout écœurant – du latté à la citrouille épicée. La nouvelle bartender du resto, Julia Mora-Mir (Sôra de son nom de musicienne), n’était pas encore entrée en poste. Outre les créations, la carte comporte des « classiatiques » (mojito, mule et autres martinis revisités) et des cocktails sans alcool. Les vins sont tous l’œuvre de petits producteurs d’un peu partout, mais aucun de chez nous pour l’instant. Et en fait, j’ai menti précédemment en écrivant que le gluten est totalement absent du Satu Lagi. Il y a de la bière, presque toute québécoise.

Prix

On peut sortir de ce restaurant avec une addition raisonnable si on évite les plats chers comme le poisson entier et les pétoncles d’Hokkaido. Les deux coûtent une quarantaine de dollars, tandis que les autres plats les plus chers sont à 26 $ et la majorité des « tapas » facturés entre 8 et 18 $, selon la taille ou la valeur de l’ingrédient de base. Mais c’est aussi très possible de se gâter si la soif et la faim sont particulièrement grandes.

Bon à savoir

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Satu Lagi est établi sur l’avenue du Mont-Royal Est.

Les personnes atteintes de la maladie cœliaque peuvent donc manger ici en paix. Celles qui ont découvert le restaurant ouvert l’hiver dernier y retournent encore et encore, reconnaissantes d’avoir accès à une adresse « sans gluten » d’une telle qualité. Les végétariens ont aussi plusieurs options, la maison ayant développé sa propre sauce de poisson… sans poisson ! Le local du Satu Lagi peut convenir aux personnes à mobilité réduite.

Info

Satu Lagi est ouvert du mardi au dimanche, de 17 h à 22 h. Le restaurant participe à Montréal à table, qui se poursuit jusqu’au 19 novembre, avec un beau menu en cinq services à 53 $.

1361, avenue du Mont-Royal Est, Montréal

Consultez le site du Satu Lagi