Passer une soirée au restaurant Tanière⁠3, c’est se faire raconter le Québec comestible de la manière la plus méticuleusement travaillée qui soit. Chaque bouchée est le fruit d’heures de recherche en cuisine. Au Québec, c’est ce qui se fait de plus poussé en matière de gastronomie expérientielle. Les honneurs remportés en 2023 par l’établissement de Québec en témoignent.

En mai dernier, aux Lauriers de la gastronomie québécoise, François-Emmanuel Nicol a été sacré Chef de l’année. Son associé Roxan Bourdelais, directeur de salle, était finaliste pour le prix du Meilleur service et Tanière⁠3 était nommé pour le titre de Restaurant de l’année, remporté finalement par Monarque. Quant à Jeremy Billy, il a été reconnu cet automne comme Chef pâtissier de l’année par la Société des chefs pâtissiers et cuisiniers du Québec.

Pour ajouter au prestige, le restaurant qui a récemment retrouvé sa cote cinq diamants du CAA/AAA a été pressenti par Relais & Châteaux. Il est entré dans la chic famille par la grande porte. L’annonce a été faite à l’automne en présence de MM. Nicol et Bourdelais lors du congrès de l’association à Copenhague. De belles collaborations sont au programme pour les années à venir.

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Le chef François-Emmanuel Nicol dans le restaurant Tanière⁠3

Plusieurs fines fourchettes considèrent que Tanière⁠3 est la table québécoise la mieux placée pour accéder aux plus illustres listes internationales. François-Emmanuel ne le cache pas : il vise les « World’s 50 Best ».

Le classement annuel récompense en effet des tables de la trempe de celle qui s’est installée en 2019 dans les voûtes historiques des maisons Leber et Charest, entre le fleuve et la place Royale. Ici, l’équipe ne sert pas des repas. Elle orchestre du divertissement gustatif de haut vol. Pensez aux premières saisons de Chef’s Table ou au film The Menu (horreur en moins !).

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Les 9 nuances de tomates

Pendant un service, il y a un employé pour deux clients. Les convives sont reçus et chouchoutés comme des rois, quatre heures durant. Ils dégustent une quinzaine de services en se déplaçant d’une salle voûtée à l’autre. On nous propose même de la poésie écrite au travers. Rarement a-t-on vu production aussi élaborée. Prenez par exemple les « 9 nuances de tomates ». Le plat est si complexe qu’il est accompagné d’une fiche explicative !

Et puis, il y a tout ce qui se passe en coulisses, coulisses auxquelles on a d’ailleurs un peu accès dans une nouvelle websérie dont les trois premiers épisodes d’environ sept minutes sont offerts sur la page Facebook de Tanière⁠3. Il y est beaucoup question des relations développées avec les fournisseurs du restaurant.

Un laboratoire

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Le chef François-Emmanuel Nicol, en compagnie de Sébastien Rémillard, chef de la recherche et du développement

En 2022, le sous-chef Sébastien Rémillard, « un de nos piliers », affirme François-Emmanuel Nicol, a été promu au titre de chef de la recherche et du développement. « Il rentre en cuisine à 6 h du matin et il se met au travail. Quand j’arrive, à 11 h, il a déjà fait plein de tests, et moi, je goûte », raconte le chef copropriétaire.

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Tanière⁠3 défriche le Québec comestible. Sur la photo, un pétale de rose sauvage mariné de Cacouna.

Comme plusieurs des ingrédients utilisés dans cette cuisine savante sont tombés dans l’oubli pendant des décennies, au Québec, il y a beaucoup à faire pour redécouvrir leurs applications et pour les exploiter à leur plein potentiel. Il s’agit de produits souvent sauvages comme le myrique baumier, la quenouille, le clavalier d’Amérique, le wasabi sauvage, la verge d’or à tige zigzagante, plusieurs herbes marines, le paw paw (un fruit qui peut s’apparenter à la mangue) et bien d’autres.

Le biologiste Fabien Girard, cueilleur expert et auteur des livres Secrets de plantes, est l’une des personnes qui inspirent le plus l’équipe de cuisine de Tanière⁠3.

  • Bœuf wagyu et ses accompagnements raffinés

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    Bœuf wagyu et ses accompagnements raffinés

  • En mode automnal, canneberge, chou rouge et saumon forment un trio de saison.

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    En mode automnal, canneberge, chou rouge et saumon forment un trio de saison.

  • Jeunes pousses de têtes de violon servies avec une sauce hollandaise à base de corail de homard.

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    Jeunes pousses de têtes de violon servies avec une sauce hollandaise à base de corail de homard.

  • Caviar d’esturgeon jaune joliment présenté

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    Caviar d’esturgeon jaune joliment présenté

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« On continue de trouver des saveurs qui nous surprennent, se réjouit M. Nicol. Dans nos forêts, il y a par exemple plein de choses qui ont des parfums exotiques, comme la matricaire odorante avec son goût d’ananas [son nom anglais, pineappleweed, vend la mèche !] et l’oxalis, avec laquelle on peut faire un substitut de limonade, transformé ensuite en sorbet. »

Les cocktails élaborés par le chef de bar d’expérience Simon Faucher sont tout aussi travaillés que les plats.

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Un plat inspiré du concept des « trois sœurs », répandu dans la culture des Premières Nations, autour du trio haricots, maïs et courge.

Comme se plaisent souvent à dire les mixologues : c’est de la cuisine liquide ! Il y a même un accord sans une seule goutte d’alcool, qui met à profit l’acidité d’un verjus de pinot noir, la salinité de l’algue et du persil de mer et le côté pâtissier du mélilot et du foin d’odeur.

Les débuts

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Le restaurant L’Orygine est situé dans le Vieux-Port.

Rappelons qu’avant Tanière⁠3, il y a eu La Tanière, ouverte en 1977, près de Saint-Augustin-de-Desmaures. Fondée en 1977 par Laurier Therrien et Chantale Miclette, la table réputée a été reprise en 2002 par la nièce des propriétaires, Karen Therrien, et le chef Frédéric Laplante. Le tandem est toujours copropriétaire du groupe comprenant aussi les restaurants Légende et L’Orygine, dans le Vieux-Port également.

L’arrivée de François-Emmanuel Nicol aux commandes de la cuisine de Tanière⁠3, après un passage au Légende, a rendu l’expérience encore plus pointue. Le rêve du jeune chef : voir le jour où cuisine québécoise ne rimera plus qu’avec poutine.

On aurait envie de dire que malgré une certaine méconnaissance de son propre patrimoine culinaire, le Québec jouit quand même déjà d’une belle réputation gastronomique à l’étranger.

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François-Emmanuel Nicol

Celui qui avait remporté la bourse Relais & Châteaux à la fin de ses études à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) avait pu faire des stages chez Arzak, en Espagne, et chez Mirazur, près de Nice, en France. « Je me souviens des ingrédients hyper frais et locaux. Les calmars, ils avaient encore des anchois à l’intérieur ! »

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Du grillou flambé, un fromage à griller québécois

Né en Gaspésie de parents bretons dont le premier emploi au Québec était à l’usine de crevettes de Matane, François-Emmanuel Nicol se rappelle les étés en Bretagne chez sa grand-mère. À un moment, celui qui a commencé à travailler en restauration à l’âge de 15 ans aurait été tenté par une carrière de navigateur. Mais il a plutôt choisi de parcourir la province par l’assiette et d’en faire rayonner les splendeurs bien au-delà de nos frontières.

Tanière⁠3 est ouvert les 31 décembre et 1er janvier. Le restaurant retrouve son horaire habituel le jeudi 4 janvier. L’expérience coûte 235 $ par personne (275 $ au comptoir du chef), avant l’accord liquide, les taxes et le service.

Consultez le site de Tanière⁠3