Lassés d'une grève qui s'est traduite entre autres par la fermeture des écoles depuis un mois, parfois confrontés pour la première fois de leur vie à des insultes racistes, des métropolitains blancs installés dans l'île avouent penser quitter la Guadeloupe.

«Dans l'année qui vient, on va assister à une vague importante de départs de Blancs installés en Guadeloupe pour la métropole, les gens en ont marre», assure Bertrand Vallet.

«Le slogan du collectif LKP (qui anime la grève depuis plus d'un mois), "La Guadeloupe c'est à nous, c'est pas eux", vise les Blancs et c'est un slogan raciste», poursuit ce commerçant de Sainte-Anne, qui affirme s'être fait «tabasser» par des syndicalistes parce qu'il refusait de fermer son magasin de photo, a déposé plainte et a décidé de rentrer avec sa famille en métropole.

Selon des Guadeloupéens, le «eux» stigmatise les Békés, des Blancs descendant des anciens planteurs esclavagistes, alors que beaucoup de métropolitains estiment que ce sont tous les Blancs qui sont visés.

Chez un couple de voisins de M. Vallet, excédés par la grève des enseignants, la mère est déjà rentrée dans l'Hexagone avec ses deux enfants de six et huit ans. Le père finira l'année scolaire dans l'île avant de rentrer à son tour.

Un publicitaire âgé de 50 ans, qui préfère garder l'anonymat, est installé en Guadeloupe avec sa femme depuis cinq ans. Alors qu'il s'approchait d'un barrage, il assure avoir été menacé par un Noir qui a hurlé: «A chaque Noir blessé, je tuerai un Blanc».

Et des jeunes gens circulant à vélo, une machette à la main leur ont crié en créole de «foutre le camp de la Guadeloupe». Depuis cet incident, quelque chose s'est brisé chez cet homme qui commence à consulter les offres d'emplois.

Rodolphe, employé par une grande organisation internationale, est arrivé sur l'île il y a huit ans mais il pense partir bientôt. «Depuis le début de la grève, estime-t-il, les rapports entre Blancs et Noirs ont changé, un racisme latent s'exprime de plus en plus ouvertement dans les débats télévisés».

«Lorsqu'Elie Domota, leader du LKP, déclare "La France a choisi sa voie naturelle, celle de tuer des Guadeloupéens", c'est du mensonge qui crée du racisme» estime t-il.

«Si à Paris, des Français blancs défilaient pour dire la France, c'est à nous et pas à vous, les minorités crieraient au racisme», ajoute Rodolphe.

Manuela Jacob, professeur d'anglais depuis neuf ans en Guadeloupe, estime que «la lenteur de la réaction de l'Etat a accentué le ressentiment contre la métropole, et par ricochet contre les métropolitains».

«Ce qui s'est passé n'est pas pour apaiser les regards sur les Blancs considérés comme des colonialistes», dit-elle. Son compagnon, Abdennebi Omrame, professeur d'université, ajoute que «cela fait mûrir notre réflexion sur un départ anticipé».

Marié à une Antillaise, père de trois enfants métis, Laurent Petit, assureur, ressent cette «banalisation du discours raciste» mais «dans une petite minorité» seulement visant «aussi bien les Blancs, les Indiens, les Chinois accusés de profiter des Noirs». «Je compte rester ici avec ma famille, mais j'espère que cette page sera vite tournée», dit-il.

Illustration d'une fracture entre Noirs et Blancs, les métropolitains étaient une poignée dans la marée humaine qui assistait dimanche aux obsèques de Jacques Bino, le syndicaliste tué dans les violences du début de semaine.