A peine sorti d'une polémique sur la levée de l'excommunication d'un évêque négationniste, le pape Benoît XVI n'a pas craint de provoquer une nouvelle controverse sur le préservatif au début de son voyage en Afrique, un continent ravagé par la pandémie de sida.

Les propos du pape estimant que l'on ne peut pas surmonter le problème du sida avec la distribution de préservatifs alors qu'il se rendait au Cameroun ont suscité de multiples condamnations.

La France a exprimé sa «très vive inquiétude» pour l'efficacité de la lutte contre le sida tandis que des ONG ont qualifié ces propos de «gravissimes», se demandant: «le pape vit au XXIe siècle?».

Benoît XVI est allé plus loin que son prédécesseur Jean Paul II en attaquant directement le préservatif - mot qu'il a employé pour la première fois -, affirmant même que sa distribution «aggravait» la situation.

«La solution de l'Eglise, c'est la fidélité sexuelle. Le préservatif n'est pas une solution à ses yeux car c'est une fausse sécurité qui continue à encourager la promiscuité sexuelle», explique à l'AFP le vaticaniste italien Sandro Magister.

«Il faut cependant souligner que jamais l'Eglise n'a fait sur le terrain obstacle à la distribution de préservatifs et qu'elle n'obtient aucun résultat concret avec sa condamnation du préservatif qui continue à être utilisé dans le monde entier. Dire que l'Eglise a une responsabilité dans l'épidémie de sida est dénuée de fondement», nuance-t-il.

Reste que cette volée de bois vert frappe un pape déjà déstabilisé par l'énorme polémique sur la levée fin janvier de l'excommunication de quatre prélats intégristes, dont un négationniste, le britannique Richard Williamson.

Cette crise a suscité des tensions avec le monde juif et un malaise avec une partie des catholiques obligeant le Vatican à plusieurs mises au point.

Par son ampleur, elle a rappelé la crise avec le monde musulman qui avait suivi les déclarations de Benoît XVI sur l'islam en septembre 2006 à Ratisbonne (Allemagne), la première grande controverse de son pontificat entamé en avril 2005.

L'excommunication par un archevêque brésilien de la mère d'une fillette ayant avorté de jumeaux après un viol, ainsi que de toute l'équipe médicale, a encore récemment alimenté ce sentiment d'incompréhension.

La décision soutenue par un haut prélat du Vatican, le cardinal Giovanni Battista Re, a été finalement désapprouvée par la Conférence nationale des évêques du Brésil et un autre responsable du Vatican, le président de l'Académie pontificale pour la Vie, Mgr Rino Fisichella.

Laissant percer son amertume pour le manque d'unité de l'Eglise catholique et les attaques dont il a fait l'objet, le pape est apparu isolé ces dernières semaines, une situation qu'il a niée mardi en assurant qu'il n'était «pas seul» mais «entouré d'amis».

A la faveur de la nouvelle polémique, ses détracteurs ont de nouveau enfourché le thème d'un pape âgé (81 ans) «indifférent au monde actuel qui vit dans son propre monde fait de certitudes qui étaient tolérables il y a trois siècles», telle la principale organisation italienne de défense des droits des homosexuels, Arcigay.

Jean Paul II qui affichait sur les questions de société (avortement, euthanasie...) le même conservatisme que Benoît XVI «a eu le même traitement critique de la part des médias que Benoît XVI aujourd'hui. C'est seulement à la fin de sa vie à cause de la maladie et de son opposition à la guerre en Irak qu'il (ce traitement) a été plus favorable», tempère cependant Sandro Magister.