Il y a trois semaines, David Broder, doyen des chroniqueurs politiques américains, a annoncé la fin de la lune de miel de Barack Obama, invoquant les critiques formulées par des journalistes et politiciens influents à l'endroit du nouveau président.

Deux semaines plus tard, le prestigieux hebdomadaire britannique The Economist, qui avait donné son appui au démocrate de Chicago lors de la campagne présidentielle, a exprimé sa propre déception à son égard, déplorant son manque de poigne dans certains dossiers, dont l'élaboration d'un plan de relance économique de 787 milliards de dollars qui porte son nom.

 

Mais ne tentez pas de convertir Larry Sabato, un des analystes politiques les plus respectés aux États-Unis, à l'une ou l'autre de ces opinions. Selon le politologue de l'Université de Virginie et auteur d'une vingtaine de livres, la lune de miel de Barack Obama se poursuit de belle façon, et pourrait durer longtemps. Quant à la manière dont le président gère les dossiers à Washington, elle n'est pas, à son avis, l'illustration d'un manque de poigne, mais la raison même de son succès.

«Cela a fonctionné», déclare Larry Sabato en faisant référence à l'adoption en février du plan de relance économique par le Congrès américain, qui a joué un rôle important dans l'écriture du texte final.

«La pire chose qu'un président peut faire est ce que Jimmy Carter a fait dans le dossier de l'énergie et ce que Bill Clinton a fait dans le dossier de la santé, c'est-à-dire dicter au Congrès les détails d'une politique particulière. Les deux ont échoué. Il est préférable, pour un président, de présenter ses objectifs généraux et de laisser les détails au Congrès. C'est ce qu'Obama a fait. Et il se retrouve aujourd'hui avec plus de nouvel argent à dépenser dans sa première année qu'aucun autre président.»

Place aux réformes

Larry Sabato ne préjuge pas du succès du plan Obama, qui comporte plus d'un tiers d'allègements fiscaux. Mais cette initiative, de par son importance, pourrait à elle seule, selon lui, meubler un premier mandat présidentiel. Or, elle n'est qu'un aspect de l'ambitieux programme intérieur du nouveau président. Après avoir présenté des plans de relance pour l'économie, les banques et les constructeurs automobiles, il entend maintenant s'attaquer, de concert avec le Congrès, à ses réformes prioritaires: un plan énergétique qui mettrait fin à la dépendance des États-Unis envers le pétrole étranger et stimulerait une nouvelle économie de l'énergie propre; un réseau éducatif qui rendrait les enfants du pays compétitifs dans l'économie du XXIe siècle; et une réforme de la couverture de santé qui s'attaquerait aux coûts exorbitants du système actuel.

«Il en fait peut-être trop, ce qui pourrait lui coûter cher dans le futur. Mais, pour l'heure, il a l'appui du public. À ce stade-ci de sa présidence, sa cote de popularité est supérieure à la moyenne», déclare Larry Sabato.

Le politologue faisait notamment allusion à un sondage publié jeudi dernier dans le Washington Post. Selon cette étude, 66% des Américains approuvent la manière dont Barack Obama gère sa présidence. À propos de l'état du pays, 42% estiment que les choses sont sur la bonne voie, contre 15% en décembre.

La publication de ce sondage allait précéder l'adoption par le Congrès d'une résolution budgétaire d'environ 3500 milliards de dollars ouvrant la porte aux réformes souhaitées par la Maison-Blanche dans les domaines de l'énergie, de l'éducation et de la santé. Tout ça au cours d'une journée qui aura été la meilleure de Barack Obama à titre de président, selon James Carville, ex-stratège de Bill Clinton. Celui-ci ne pensait pas seulement au sondage du Washington Post et aux votes du Congrès, mais également à la performance du président au sommet du G20, à la hausse des indices boursiers et à la division du Parti républicain.

«Évidemment, une journée ne fait pas une présidence», a écrit James Carville sur le site de CNN. «Mais si le président Obama a d'autres journées comme celle du 2 avril 2009, il sera capable de gouverner bien plus comme un homme d'État que comme un politicien.»

En attendant, Barack Obama continue à faire face à des problèmes graves. Et rien n'assure que ses solutions soient les bonnes. Des élus de son propre parti s'inquiètent notamment de l'aggravation du déficit public. Mais Larry Sabato lui prédit néanmoins «une longue lune de miel».

«Quand je dis longue, je pense certainement qu'elle durera jusqu'à la fin de l'année. Après, cela dépendra de l'économie.»