Le scénario était écrit d'avance: Mahmoud Ahmadinejad a déclenché une nouvelle polémique lors de la conférence de l'ONU sur le racisme qui s'est ouverte lundi à Genève. Le président iranien a qualifié le gouvernement israélien de «régime le plus cruel et le plus raciste», provoquant le départ des diplomates européens qui l'avaient mis en garde contre tout nouveau dérapage verbal.

Lors de son discours, Mahmoud Ahmadinejad, qui était le premier à s'exprimer à la tribune, a accusé Israël d'être le «régime le plus cruel et le plus raciste», et montré du doigt l'attitude de l'Europe et des Etats-Unis, pour avoir aidé à la création du pays après la Seconde guerre mondiale au «prétexte de la souffrance juive».

Ses propos ont conduit une quarantaine de diplomates de pays européens, notamment la France et la Grande-Bretagne, à quitter immédiatement la salle. Israël et les Etats-Unis, mais aussi les Pays-Bas, l'Italie, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Canada, avaient décidé de boycotter la conférence.

Des manifestants portant des perruques de clown ont interrompu le discours en criant «honte, honte!» et «raciste, raciste!» tout en jetant des nez rouges sur le podium, «pour symboliser la mascarade que constitue cette conférence», selon l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), qui a revendiqué cette action. «Nous déplorons que la France participe à ce grand cirque», a ajouté le président de l'UEJF, Raphaël Haddad, dans un communiqué.

Après le discours de M. Ahmadinejad qui a duré un peu plus d'une demi-heure, malgré cette interruption, une centaine de personnes, essentiellement des membres de mouvements pro-israéliens et juifs, ont bloqué l'entrée du président iranien à une conférence de presse qui était programmée.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a condamné les propos du président iranien, affirmant qu'il avait utilisé son discours pour «accuser, diviser et même inciter» à la haine, une attitude en opposition avec l'objectif de la conférence.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a condamné le discours de Mahmoud Ahmadinejad. «Il est malheureux que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon ait jugé opportun de rencontrer la personne qui nie le plus l'Holocauste aujourd'hui, le chef d'un Etat membre de l'ONU qui appelle à la destruction d'un autre Etat membre de l'ONU. C'est particulièrement grave, parce que cela intervient à la veille de la journée commémorative de l'Holocauste», a ajouté le ministère.

Israël a rappelé par ailleurs son ambassadeur en Suisse pour protester contre la rencontre, dimanche à Genève, entre le président de la Confédération helvétique Hans-Rudolf Merz et Mahmoud Ahmadinejad.

Alejandro Wolff, ambassadeur-adjoint américain aux Nations unies, a dénoncé «le spectacle Ahmadinejad» et son «discours vil et détestable».

Le président français Nicolas Sarkozy a également fustigé un «appel intolérable à la haine raciste», selon un communiqué de l'Elysée. Il a souhaité une «réaction d'une extrême fermeté de l'Union européenne».

Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a lui aussi condamné les propos «inacceptables» de M. Ahmadinejad. «Conformément à mes instructions, notre ambassadeur auprès des Nations unies à Genève, qui dirige la délégation française, a quitté la salle avec ses collègues européens et de nombreuses autres délégations», a-t-il fait savoir. «Dès qu'il a commencé à aborder la question du peuple juif et d'Israël, nous n'avions plus aucune raison de rester», a ajouté l'ambassadeur français Jean-Baptiste Mattéi.

Intervenant juste après Mahmoud Ahmadinejad, le chef de la diplomatie norvégienne Jonas Gahr Store a dénoncé les commentaires du dirigeant iranien, «contraires à l'esprit même de dignité de la conférence».

La télévision publique iranienne a diffusé des images du discours du président iranien, montrant certains délégués applaudir et d'autres quitter la conférence. «Le président a poursuivi son discours, confiant, malgré les efforts de certains diplomates occidentaux de perturber son allocution», souligne le reportage.

Mais les propos de Mahmoud Ahmadinejad pourraient se retourner contre lui à l'élection présidentielle de juin prochain, où cet ultra-radical religieux brigue un deuxième mandat. Une partie des Iraniens préféreraient qu'il consacre davantage d'énergie à redresser l'économie de son pays qu'à attaquer Israël et l'Occident.