L'éclaircie dans les relations entre l'Iran et les États-Unis, lancée par Barack Obama lui-même, aura été de courte durée : le sort d'une jeune journaliste pigiste américaine, condamnée à huit ans de prison en Iran, jette beaucoup de sable dans l'engrenage du rapprochement diplomatique.

Il y a 10 ans, rien ne prédisait à la journaliste américaine Roxana Saberi un avenir politique. En 1998, la jeune femme du Dakota-du-Nord, couronnée reine de beauté de son État, était finaliste au concours Miss USA. Aujourd'hui, elle est la prisonnière la plus célèbre de l'Iran.

 

Arrêtée en janvier 2009, puis condamnée à huit ans de prison pour «espionnage», la journaliste, qui a travaillé en Iran pendant six ans pour le compte de la BBC, de Fox News et de NPR avant d'être interpellée, est le sujet de manchettes des grands quotidiens américains depuis des semaines.

Ces jours-ci, la santé de la pigiste de 32 ans inquiète autant Hillary Clinton que le ministre des Affaires étrangères du Japon, qui a soulevé la question, hier, lors d'une rencontre avec son homologue iranien.

Pour contester sa détention dans la prison d'Evine, Roxana Saberi a entamé une grève de la faim le 21 avril, soit trois jours après l'annonce du verdict de la Cour. Lorsqu'elle a appris que les autorités iraniennes niaient le sérieux de sa démarche, elle a arrêté de boire. Vendredi, elle a dû être hospitalisée quelques heures dans la clinique de cette prison au lourd passé.

Réservée aux prisonniers politiques, la prison d'Evine a une réputation qui la précède: dans les années 80, des milliers de jeunes dissidents y ont été exécutés. En 2003, la photographe montréalaise Zahra Kazemi y est morte après avoir été battue.

Malgré les dénégations des autorités iraniennes, le geste de résistance de la journaliste n'est pas passé inaperçu. Dimanche, journée internationale de la liberté de la presse, une cinquantaine de personnes, éparpillées aux États-Unis, en Europe et au Moyen-Orient, ont décidé d'entamer à leur tour une grève de la faim pour demander sa libération. Parmi eux, des membres de l'organisation Reporters sans frontières et des journalistes d'un peu partout dans le monde.

Sur le site web Free Roxana (Libérez Roxana), plusieurs d'entre eux expliquent leurs motivations. «Roxana est une personne remarquable. Elle est une véritable inspiration pour les jeunes journalistes féminines du monde entier. Même si j'allaite, je jeûne par intermittence par solidarité et je vais continuer jusqu'à sa libération», écrit Jamila Bey, une collègue de Mme Saberi à la National Public Radio (NPR).

Ingérence?

Le gouvernement iranien est peu attendri par l'élan de solidarité international. «Le pouvoir judiciaire (iranien) est une entité indépendante et toute forme d'ingérence dans le processus judiciaire est contraire aux normes internationales», a dit hier le porte-parole de la diplomatie iranienne, Hassan Ghashghavi. Il a rappelé que la décision de la cour révolutionnaire, rendue le 18 avril, sera bientôt entendue en appel. La lauréate du prix Nobel de la paix, l'avocate Chirine Ebadi a déjà fait savoir qu'elle représentera Mme Saberi au cours de cet appel.

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a créé une surprise le mois dernier en demandant un procès transparent pour la reporter qui, de père iranien et de mère japonaise, détient la double citoyenneté américaine et iranienne. La secrétaire d'État des États-Unis, Hillary Clinton, qui a maintes fois décrié l'arrestation et la condamnation de la jeune femme, lui a alors demandé de joindre la parole au geste en facilitant sa mise en liberté.

La voix de l'amoureux

Le sort de la journaliste risque de bientôt rebondir au Festival de Cannes, qui débutera à la mi-mai en France. Le réalisateur kurde iranien Bahman Ghobadi, dont les films ont été couronnés sur la Croisette et à la Berlinale, y présentera son dernier opus, coscénarisé avec sa fiancée... Roxana Saberi!

Dans une longue lettre publiée récemment dans les médias de son pays, le cinéaste raconte que son amoureuse voulait quitter l'Iran depuis un certain temps et retourner aux États-Unis, le pays où elle a grandi, mais qu'elle était restée pour être à ses côtés.

«Ma copine iranienne, avec des yeux japonais et des pièces d'identité américaines, est en prison. Honte à moi! Honte à nous!» écrit le réalisateur d'Un temps pour l'ivresse des chevaux.