C'est fait. Il y a officiellement une pandémie de grippe À (H1N1). Faut-il s'en inquiéter? Non, croient les experts. C'est avant tout la vigilance qui est de mise.

La première pandémie mondiale du XXIe siècle est déclarée. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a relevé hier son niveau d'alerte de la grippe À (H1N1) au niveau maximal, incitant du coup les pays du monde entier à intensifier leur vigilance.

Depuis son apparition au Mexique et aux États-Unis à la fin du mois de mars, le virus À (H1N1) a fait près de 28 000 malades et 144 morts dans 74 pays.

La grippe À (H1N1) a atteint le stade de pandémie car elle se transmet maintenant rapidement d'humain à humain et elle sévit dans plusieurs régions du monde. «Le virus ne peut pas être arrêté», a souligné hier la directrice de l'OMS, Margaret Chan. Cette dernière a également averti les pays déjà aux prises avec le virus qu'une «deuxième vague» de cas pourrait survenir.

Le Canada qui, avec 2978 personnes infectées, figure au troisième rang des pays les plus touchés par la grippe À (H1N1), est donc visé par cet avertissement. «Le Canada est très affecté par rapport aux autres pays.»

Mais les citoyens n'ont pas à s'alarmer, a assuré la ministre fédérale de la Santé, Leona Aglukkaq. «On était prêts depuis longtemps pour la maladie. La décision de l'OMS de confirmer la pandémie n'est que technique. Ici au Canada, ça ne change pas grand-chose et ça ne veut absolument pas dire que le virus est plus virulent», a-t-elle déclaré en conférence de presse.

Le directeur de l'Agence de santé publique du Canada, le Dr David Butler-Jones, ajoute qu'à l'heure actuelle, la majorité des Canadiens qui contractent la grippe À (H1N1) «se soignent à la maison» et ont des symptômes qui «ressemblent à la grippe saisonnière».

Micro-biologiste-infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, Karl Weiss confirme qu'il ne faut pas s'inquiéter outre mesure de la nouvelle pandémie et que la population n'a pas à courir s'acheter des masques. L'OMS qualifie d'ailleurs la pandémie de «modérée».

«Mais il faut rester en alerte, dit M. Weiss, rappelant que le simple fait de parler de grippe en plein mois de juin n'est pas normal. «Et on ne connaît pas vraiment l'histoire de ce virus. On ne sait pas encore s'il va devenir plus virulent», commente M. Weiss.

Hier, l'OMS a discuté avec les huit pays les plus touchés par la grippe À (H1N1) pour confirmer qu'ils avaient «les preuves incontestables de transmissions locales». Après cette discussion, l'OMS a décidé de faire passer son niveau d'alerte de 5 (pandémie imminente) à 6 (pandémie).

Le Mexique et les États-Unis demeurent les pays les plus touchés par le virus. Mais au cours des derniers jours, plusieurs cas se sont déclarés en Australie. Au Chili, le nombre des malades a plus que triplé en deux jours, atteignant désormais 1694 personnes.

Et il ne pourrait s'agir que de la pointe de l'iceberg selon M. Weiss. «Actuellement, on ne compte aucun cas en Afrique, remarque-t-il. Pas parce qu'il n'y en a pas. Mais parce qu'on ne suit pas ce qui s'y passe. Il pourrait y avoir déjà plusieurs cas sur ce continent.» Et puisque les pays d'Afrique sont moins fortunés, la grippe pourrait y faire plusieurs victimes.

Pas de panique au Québec

Au Québec, le nombre de cas de grippe augmente lentement. La province a enregistré 39 nouveaux cas hier. «Le nombre de cas continue d'augmenter, mais la majorité demeure peu sévère», a déclaré le directeur national de la santé publique du Québec, le Dr Alain Poirier.

À Montréal, les hôpitaux pédiatriques notent une affluence accrue aux urgences, principalement pour des cas de grippe. Mais le Dr Poirier assure que les établissements sont prêts à répondre à la demande.

Maintenant que la pandémie est déclarée, très peu de choses changeront au Québec, assure le Dr Poirier. Des sites hors hôpitaux pouvant accueillir et traiter des patients advenant une pandémie majeure sont en préparation. «Mais on ne doit pas les déployer maintenant», dit le Dr Poirier.

Et la préparation à la vaccination massive, prévue pour l'automne, s'accélère (voir encadré).

Selon le numéro deux de l'OMS, le Dr Keiji Fukuda, le virus de la pandémie «va circuler dans le monde entier pendant un à deux ans».

Si la panique ne semble pas encore s'être installée dans le monde, c'est que la virulence du virus est équivalente à celle de la grippe saisonnière. «Mais sa transmission est beaucoup plus efficace. La grippe saisonnière tue environ 1000 personnes par année ici. La H1N1 infecte trois fois plus de monde et on peut donc s'attendre à ce qu'elle fasse trois fois plus de victimes», explique Éric Frost, microbiologiste-infectiologue à l'Université de Sherbrooke.



Pas de vaccin avant l'automne au Québec

Les compagnies qui fabriquent les vaccins ne seront pas en mesure de produire des vaccins contre la grippe À (H1N1 avant l'automne. Elles devront tout d'abord terminer la production des vaccins pour la grippe saisonnière. Pour l'instant, aucun vaccin ne peut donc freiner la pandémie. Mais puisque le virus est peu virulent, les autorités refusent de s'inquiéter.

En attendant, les hôpitaux peuvent faire usage des médicaments antiviraux, comme le Tamiflu, explique le micro-biologiste-infectiologue de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, Karl Weiss. «Il va falloir en utiliser beaucoup. Ça va faire partie de la gestion de la lutte contre la pandémie», dit-il.

Pas d'impact sur les voyages, pour l'instant

Même si la grippe À (H1N1) atteint maintenant le stade de la pandémie, les pays ne doivent pas pour autant fermer leurs frontières, ni limiter les voyages et le commerce internationaux, a précisé, hier, l'Organisation mondiale de la santé. Les voyageurs ne devraient donc pas subir de restriction. Mais Kar Weiss, micro-biologiste-infectiologue à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, croit qu'il faudra regarder attentivement les réactions des pays au fil de l'évolution de la pandémie. «Chaque pays a maintenant l'obligation de mettre un plan de pandémie en branle. Cela pourra avoir différents effets. Par exemple, des pays pourraient décider de fermer leurs frontières», affirme-t-il, en ajoutant que parfois, les décisions prises en situation de crise «ne sont pas nécessairement logiques».

Comment se prémunir contre la grippe A(H1N1)Il n'existe aucun vaccin contre la grippe À (H1N1). Mais les antirétroviraux utilisés pour traiter la grippe conventionnelle devraient aider les malades à guérir en cas de pandémie. Pour éviter d'être infecté, l'Agence de la santé publique du Canada propose les conseils suivants.

> Se laver les mains soigneusement avec du savon et de l'eau tiède, ou un désinfectant.

> Se couvrir la bouche en cas de toux ou d'éternuement.

> Recevoir son vaccin annuel contre la grippe.

> Poursuivre ses activités habituelles, mais rester à la maison en cas de maladie.

> Consulter un médecin en cas de symptômes de grippe graves.

> Avant de partir en voyage, consulter les avis à www.voyage.gc.ca. Pour toute question, appeler le 1-800-54-8302.

Avec AFP, AP et PC

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