Il reste deux mois avant le début de la conférence de Copenhague sur les changements climatiques et Wangari Maathai, lauréate du prix Nobel de la paix, est une femme en croisade. «Il faut changer le climat dans lequel nous parlons des changements climatiques», a-t-elle dit la semaine dernière au président Barack Obama et aux leaders du monde entier qui étaient réunis à New York pour parler de la question. La Presse l'a rencontrée, hier, lors de son passage à Montréal.

En remettant en 2004 le prix Nobel de la paix à la kényane Wangari Maathai pour avoir mis sur pied un large mouvement de reforestation de son pays natal, le comité de sélection reconnaissait une chose: la stabilité politique de la planète est intimement liée à sa santé. À l'approche de la Conférence de Copenhague, la première Africaine à avoir remporté la prestigieuse décoration ne pourrait être plus d'accord.

 

«Il n'y a pas de doute que les pays développés vont être les premiers à se tourner vers des énergies alternatives pour assurer la sécurité de leurs citoyens. Cependant, ils ne peuvent pas se permettre d'ignorer le reste du monde, sinon ce reste du monde va venir à eux. Les changements climatiques créent de la migration et de la déstabilisation politique. On le voit déjà dans les pays où il y a des inondations et des sécheresses. On le voit dans mon pays, le Kenya», met en garde celle qui sauve la grande forêt du Congo, un arbre à la fois, depuis qu'elle a mis sur pied en 1977 le Green Belt Movement.

Déforestation et pauvreté

Malgré les quelque dix milliards d'arbres qu'elle a aidé à planter, la docteure en biologie rappelle que la déforestation est responsable à 20% des changements climatiques et d'autant plus de pauvreté en Afrique, en Amérique latine et en Asie.

La semaine dernière, quand elle a été choisie pour représenter la société civile lors du Sommet des Nations unies sur les changements climatiques, Wangari Maathai a été heureuse d'entendre plusieurs chefs d'État, dont Barack Obama, prononcer des discours «positifs» sur les actions à adopter pour contrer le réchauffement climatique.

«Plusieurs gouvernements, dont la Chine, les États-Unis, le Japon et la Norvège, ont utilisé les bons mots, mais le vrai défi sera de s'asseoir à table pour établir les nouveaux objectifs de chacun (en matière d'émissions de gaz à effets de serre», note-t-elle.

Craint-elle un autre Kyoto, mis au rancart par les Américains, puis par le reste du monde? «Cette fois-ci, ça doit arriver, sinon, nous plaisantons. Sinon, nous n'avons rien à faire de la vie des gens», plaide celle qui voyage de pays en pays pour parler d'environnement, d'objectifs mondiaux à atteindre, mais aussi d'efforts individuels à fournir pour remettre la planète sur pied et, du coup, améliorer la vie des populations les plus vulnérables du monde. C'est le message qu'elle a d'ailleurs livré aux quelques centaines d'étudiants de l'Université Concordia qui étaient venus l'entendre hier.

Des combats à la tonne

Wangari Maathai a beau parler de l'état du monde en arborant un immense sourire qui lui donne l'air d'une gamine, elle ne cache pas que selon elle, le réchauffement de la planète est le plus grand défi auquel l'humanité ait eu à faire face.

Et en matière de défi, cette petite femme de 69 ans, en a vu d'autres. Née dans une famille pauvre du Kenya rural, fille d'un agriculteur qui travaillait en quasi-esclavage pour un propriétaire terrien blanc, elle a réussi par miracle à aller à l'école. Boursière du même programme que le père de Barack Obama, son compatriote, elle a pu faire son baccalauréat et sa maîtrise aux États-Unis.

À son retour au Kenya, elle a été la première femme de toute l'Afrique de l'Est à recevoir un doctorat. Nommée professeure d'université, elle a dû se battre pour recevoir le même salaire que ses collègues masculins.

Ses combats ne faisaient que commencer. Dans les années qui ont suivi, elle a été mise deux fois en prison. Une fois pour avoir critiqué la justice kényane qui avait accordé à son mari un divorce injuste. Une deuxième fois, pour avoir tenu tête au président kényan, Daniel Arap Moi, qui voulait raser le plus grand parc de Nairobi pour y faire pousser une tour.

Chaque fois, Wangari Maathai est sortie vainqueur de ses affrontements. Chaque fois, elle en a profité pour planter des arbres.