Le parti du premier ministre russe Vladimir Poutine a fait face à une fronde exceptionnelle mercredi, les trois autres formations à la Douma, d'ordinaire plus soumises, ayant quitté l'hémicycle pour dénoncer des fraudes électorales

Les 135 députés du Parti communiste, du Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR, ultranationaliste) et de Russie juste ont laissé seuls ceux de Russie unie, qui avec 315 sièges contrôle largement la chambre basse du Parlement. Ils réclament une rencontre avec le président Dmitri Medvedev et n'ont pas précisé si ce boycott était ponctuel ou s'il se poursuivrait à la prochaine séance vendredi.

Motif du coup de sang, les résultats des élections locales de dimanche, marquées par une victoire écrasante de Russie unie qui n'a laissé que des miettes aux autres partis, même ceux qui se gardent généralement de critiquer le Kremlin et M. Poutine.

«Nous ne reconnaissons pas ces élections. Le parti Russie unie s'est approprié frauduleusement des voix des électeurs, nous ne pouvons être dans la même salle que des escrocs!», s'est exclamé le chef du LDPR et vice-président de la Douma, Vladimir Jirinovski, très en verve comme à son habitude.

Exemple le plus flagrant de fraudes selon les trois partis, l'élection de l'assemblée municipale de Moscou où Russie unie a raflé 32 des 35 sièges, n'en laissant que trois au Parti communiste.

Russie unie a de son côté balayé les protestations, estimant qu'elles témoignaient d'un manque de respect envers les électeurs. La Commission électorale russe avait déjà qualifié lundi d'«hystériques» les accusations de fraudes.

«La responsabilité envers les électeurs est plus importante que les émotions. Les élections sont derrière nous et les actions populistes n'ont plus aucun sens», a estimé le président de la Douma et l'un des dirigeants du parti au pouvoir, Boris Gryzlov.

Cette fronde parlementaire constitue, selon les observateurs, un évènement sans précédent depuis la disparition fin 2003 de l'opposition libérale à la Douma, dernier bastion de la contestation contre le président d'alors Vladimir Poutine.

Pour l'analyste indépendant Dmitri Orechkine, le niveau de fraude a été tel cette fois-ci que même les partis dépendants du Kremlin «ne ferment plus les yeux» car «il en va de leur survie».

«Il est très intéressant de voir que les autorités ont cru à tort que ces gens allaient avaler la couleuvre», souligne-t-il, «qu'il y ait une solidarité entre ces partis est une grande nouvelle politique, cela signifie que le niveau de ce qui est acceptable a été dépassé».

Certains journaux russes relevaient aussi mercredi que Russie unie avait franchi une limite.

«Pour la première fois, au niveau de la Fédération, nous voyons une tentative d'établir un monopole politique total et non plus de simplement limiter la concurrence», note Vladimir Milov dans les pages du quotidien économique Vedomosti.

Le président Medvedev, qui avait salué lundi la victoire «convaincante» de Russie unie, «va réagir bientôt» à la fronde des trois partis, a indiqué le représentant de la présidence à la Douma, Garri Minkh, cité par l'agence Ria Novosti.

Le premier ministre devait faire de même depuis Pékin, où il effectue une visite, a précisé son porte-parole Dmitri Peskov à l'AFP.