À la veille de son examen par l'Assemblée générale de l'ONU, le rapport accusant Israël et le Hamas d'avoir commis des crimes de guerre pendant la guerre de Gaza fait des vagues... au Canada.

Dans un article paru fin octobre dans le Jerusalem Post, le député libéral Irwin Cotler encourage Israël à suivre la recommandation de la commission présidée par le juge Richard Goldstone et à mener une enquête indépendante sur l'opération «plomb durci» de l'hiver 2008.

À défaut d'une telle enquête, les deux parties devraient faire face à la justice internationale, recommande le rapport Goldstone.

Même s'il juge que ce document est fondamentalement partial, Irwin Cotler croit que l'État hébreu a tout à gagner d'une enquête indépendante.

«Au lieu d'être sur la défensive, Israël pourrait contribuer au développement du droit humanitaire international», a-t-il suggéré dans son entrevue au quotidien israélien.

Le jour même de la parution de l'entrevue, la branche canadienne de l'organisation juive B'naï Brith a accusé Irwin Cotler d'être «tombé dans le piège anti-israélien du Conseil des droits de l'homme» - l'instance de l'ONU qui a mis sur pied la commission Goldstone.

En lançant sa propre enquête sur les allégations de crimes de guerre, Israël «ne ferait que donner plus de crédit au rapport Goldstone», dénonce le B'Nai Brith. «Nous sommes surpris qu'en tant que député canadien, Irwin Cotler appelle un État souverain à faire quelque chose aussi contraire à ses intérêts.»

Enquêter malgré tout

Mais Irwin Cotler persiste et signe. Ce juriste spécialisé en droit humanitaire, ancien ministre libéral de la Justice, reproche à la commission Goldstone d'avoir accepté un mandat vicié par sa formulation même, puisqu'il fait référence à des violations avant même que celles-ci n'aient été documentées.

Dans sa résolution initiale, le Conseil des droits de l'homme ne visait d'ailleurs que les actions d'Israël. C'est le juge Goldstone qui a exigé que son mandat soit élargi au Hamas et aux groupes armés palestiniens.

Malgré ces défaillances, Irwin Cotler n'exclut pas qu'Israël ait violé les lois internationales, mais que ce soit le cas ou non, l'État juif a tout intérêt à mener son enquête sur la guerre de Gaza, juge-t-il. Ne serait-ce que pour redorer son image.

«Une enquête indépendante permettrait à l'État hébreu de montrer à la communauté internationale les mécanismes qu'il a déjà mis en place» pour scruter les actions de ses troupes, fait valoir M. Cotler dans un entretien avec La Presse.

Israël pourrait aussi en profiter pour analyser les allégations du rapport Goldstone. Et pour mettre sur la place publique le caractère particulier de la guerre «asymétrique» qu'il mène contre le terrorisme.

Mais le Jerusalem Post signale qu'une enquête indépendante pourrait aussi permettre à Israël d'échapper à une éventuelle inculpation devant la justice internationale.

Irwin Cotler a formulé sa suggestion alors qu'il participait à une conférence à Jérusalem, il y a deux semaines. Il a profité de ce séjour pour rencontrer le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Lui a-t-il fait part de sa suggestion? Le député canadien préfère ne pas répondre à cette question, mais s'il l'a fait, son message n'a pas eu de suites. Quelques jours après la rencontre, M. Netanyahu a plutôt donné le feu vert à la création d'un comité chargé de neutraliser l'impact du rapport Goldstone. «Aucun soldat ou officier ne sera traduit devant une commission d'enquête», a-t-il averti.

Publié en septembre, ce rapport analyse plus d'une trentaine d'incidents survenus pendant l'offensive israélienne à Gaza et affirme qu'ils pourraient constituer des crimes de guerre. La majorité des critiques ciblent Israël.

Le rapport a causé des remous internationaux. Le Conseil des droits de l'homme l'a approuvé le 16 octobre. Et il doit être étudié par l'Assemblée générale de l'ONU aujourd'hui.