Khin Maung Win ouvre son ordinateur pour montrer ses photos les plus chères: des toits, des balcons envahis par des soucoupes satellites plantées entre les vêtements à sécher dans les faubourgs de Birmanie. Autant d'antennes qui captent sans vergogne les images diffusées par Democratic Voice of Burma. Si bien que la junte militaire a renoncé à sévir.

«La liberté d'expression est hors de contrôle en Birmanie», dit M. Win.

Hors de contrôle, mais pas sans danger, précise le codirecteur de Democratic Voice of Burma (DVB), de passage à Montréal cette semaine dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire.

 

D'Oslo, en Norvège, où sont hébergés les bureaux de DVB, Khin Maung Win coordonne le travail d'une centaine de vidéojournalistes disséminés à travers la Birmanie et qui travaillent, pour la plupart, dans la clandestinité.

Alors que le régime semble montrer une timide ouverture face à l'opposante Aung San Suu Kyi, toujours assignée à résidence, la population ose de plus en plus dénoncer la junte militaire responsable de la famine, dit M. Win.

Les États-Unis ont décidé de rétablir les liens avec le régime tout en mettant de la pression pour faire libérer la Dame de Rangoon. «Ça signifie beaucoup, dit M. Win. C'est une bonne stratégie. Le régime ne sera jamais prêt à tenir des élections libres, mais nous devons le forcer à le faire.»

En attendant les élections, les vidéojournalistes tournent. Chacun possède une caméra et transmet son matériel à DVB, en Norvège, qui s'occupe de la diffusion des images. C'est ainsi que les films des vidéojournalistes de DVB ont fait le tour du monde pendant la révolution safran de 2007, lorsque les militaires ont violemment maté les manifestations.

Aujourd'hui, DVB estime qu'elle rejoint 20 millions de Birmans qui ont accès à une télé branchée sur satellite, sur une population de 55 millions. Même si la junte a voulu faire passer les frais de branchement de 8$ à 800$ par année, dit M. Win, elle n'a pas coupé la faim d'information des Birmans.

«Ils ne font pas respecter leur loi parce qu'ils ont tellement peur que des millions de personnes descendent dans la rue!»

Mais même si le travail des vidéojournalistes birmans est célébré par la population, il n'est pas sans danger. «Nous avons en ce moment 14 journalistes en prison, dont 3 ont été condamnés à des peines de plus de 65 ans et à la torture», dit Khin Maung Win. Néanmoins, DVB n'éprouve pas de problème de recrutement. «Les gens disent qu'ils n'ont rien à perdre.»