L'ancienne candidate à la présidentielle a perdu ses principaux appuis au Parti socialiste, mais elle continue sa fuite en avant, nous explique notre collaborateur.

Le mystère Ségolène Royal devient toujours plus opaque.

Sur le fond, tout est simple: l'ex-candidate socialiste à la présidentielle de mai 2007, tablant sur ses 17 millions de voix, a la ferme intention d'être de nouveau candidate en 2012 contre Sarkozy. Forte de sa popularité dans le parti et dans l'opinion. Jusque-là, tout est clair.

 

Là où ça se brouille, c'est sur la méthode, qui a culminé, le week-end dernier, avec un grand psychodrame à Dijon. Et le divorce consommé avec son premier lieutenant, l'eurodéputé Vincent Peillon, brillant quadragénaire du PS et candidat possible à la présidentielle.

En provoquant un véritable petit scandale dans un colloque organisé par l'ambitieux Peillon, Ségolène a plongé le Parti socialiste dans la consternation, et achevé de s'aliéner ses derniers soutiens de poids dans le parti. Dont, semble-t-il, le richissime Pierre Bergé (ex-patron de la maison Yves Saint-Laurent), qui assurait le paiement de ses bureaux, à deux coins de rue du siège du parti.

Au lendemain de la présidentielle de mai 2007, où elle avait été tout de même sévèrement battue par Sarkozy avec seulement 46,9% des voix, elle avait continué sur sa lancée, comme si elle venait de réaliser un exploit. Sans se soucier des intrigues d'appareil au sein du PS.

Bizarrement, cela lui avait plutôt réussi. Seule contre la majorité des «éléphants» du parti, elle avait obtenu 49,9% des voix au congrès de Reims, en novembre 2008, dans la bataille pour la direction du PS.

Une bataille perdue d'extrême justesse et dans un scrutin contesté, mais qu'elle aurait peut-être pu gagner si elle avait fait preuve d'un peu plus d'habileté et de souplesse. Mais ce n'est pas le genre de la maison Royal.

C'est dans les mois suivant le congrès que ça se gâte. Autre quadragénaire vedette du clan ségoléniste, Manuel Valls prend vite ses distances. Dans les mois qui suivent, elle congédie son conseiller «en médias», Dominique Besnehard, influent agent dans le milieu du cinéma. Un peu plus tard, elle se sépare de son plus fidèle ami, l'avocat Jean-Pierre Mignard, qui présidait son association Désirs d'avenir.

De son côté, Vincent Peillon avait décidé de mener sa barque en solitaire, en veillant à l'organisation du «courant» qui avait soutenu le ticket Peillon-Royal à Reims. Son angle d'attaque: organiser des réunions thématiques en y associant d'ex-communistes, des Verts et même des centristes. Ségolène Royal laisse faire, mais en fait «interdit» à ses amis d'y participer.

Madame Sans-Gêne

Samedi dernier à Dijon, il était question de discuter paisiblement d'éducation. Et voilà que Ségolène, qui n'avait pas été invitée, annonce sa venue. Quand elle arrive, elle monopolise évidemment tous les médias. Au déjeuner, Peillon ne cache pas son agacement et la prive de table d'honneur. Entre la poire et le fromage, elle profite d'un moment où Vincent Peillon fait le tour de la salle ets'installe à sa place, à côté de Pierre Bergé, qui a pourtant déclaré deux heures plus tôt: «Ségolène vient, c'est bien. Elle n'est pas là, c'est bien. Je suis venu pour Vincent Peillon.»

Celui-ci explose et traite la manoeuvre de «ridicule». «Je suis venue pour recadrer le courant», déclare Ségolène. «Elle ferait mieux de se recadrer elle-même», répond Peillon qui, deux jours plus tard, parlera de «psychiatrie lourde». Entre-temps, l'ex-candidate a destitué Peillon et ses alliés de la direction de son courant. C'est «le retour de Madame Sans-Gêne», titre le Nouvel Observateur.

Mais un retour pour quoi? Certes, elle a fait parler d'elle. Mais pas nécessairement en bien. Hormis un tout petit carré de fidèles, elle a assurément perdu le soutien des personnalités de poids au PS. Les médias s'intéressent toujours à elle. Et, même en baisse, elle reste populaire dans le parti, où elle conserve de 25 à 30% d'appuis à la base. Mais elle a dégringolé à la quinzième place dans les sondages de popularité, qui constituaient son atout principal. Le début de la chute finale?