À 42 ans, elle a la silhouette frêle d'une vieille dame. Aminatou Haidar fait la grève de la faim depuis trois semaines à l'aéroport Lanzarote, aux îles Canaries. Enveloppée de la tête aux pieds dans un châle mauve, elle refuse toute aide médicale. Pourtant, elle ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant.

Son combat: le sort du Sahara occidental, où elle ne peut plus rentrer depuis que les autorités marocaines, qui contrôlent cette région, lui ont confisqué son passeport.

 

Aminatou Haidar, que l'on décrit comme la «Gandhi du Sahara occidental», rentrait de New York, où elle venait de recevoir de la fondation John Train un prix soulignant sa lutte pour l'autodétermination du Sahara occidental.

«Sur le chemin du retour, je pourrais très bien être arrêtée à l'aéroport et me faire confisquer mes papiers», avait-elle prévu en acceptant ce prix.

Sa faute? Sur sa fiche d'entrée au Maroc, dans l'espace prévu pour inscrire son pays de résidence, elle a écrit: Sahara occidental.

Rentrer chez elle

Privée de son passeport et renvoyée aux îles Canaries, où elle venait de faire escale, la militante a cessé de s'alimenter le 16 novembre. L'Espagne, à qui appartiennent les îles Canaries, lui a offert l'asile politique et même le passeport espagnol. Elle a refusé, accusant Madrid de faire le jeu du Maroc.

Ce qu'elle veut, c'est rentrer chez elle, au Sahara occidental.

Soutenue par Human Rights Watch et Amnistie internationale, la frêle gréviste n'en est pas à son premier affrontement avec les autorités marocaines. Elle a passé quatre ans en prison à la fin des années 80 et a été arrêtée une autre fois en 2005.

Sa grève de la faim crée un imbroglio politique entre l'Espagne, le Maroc et l'Union européenne. Lors d'une récente rencontre à Bruxelles, des représentants marocains ont accusé Aminatou Haidar de faire du chantage et de vouloir bloquer toute discussion sur l'autonomie du Sahara occidental. Cette pointe méridionale est contrôlée par le Maroc depuis le départ des colons espagnols, il y a plus de 30 ans. Son statut juridique n'a jamais été réglé depuis.

Nourrir de force?

Aminatou Haidar est proche du Front Polisario, qui se bat pour l'indépendance du Sahara occidental. La région est déchirée depuis plusieurs décennies par un conflit qui a poussé le gouvernement marocain à construire un mur de sable pour l'isoler.

Une entente pour la tenue d'un référendum sur l'avenir de la région a été conclue sous l'égide de l'ONU, en 1991. Mais ce référendum n'a jamais eu lieu et le gouvernement marocain rejette l'idée de l'indépendance, offrant plutôt aux Sahraouis un régime d'autonomie.

La grève de la faim d'Aminatou Haidar ramène ce conflit dans l'actualité. Des artistes espagnols se mobilisent pour l'appuyer, et les autorités espagnoles se demandent si elles doivent la soigner et la nourrir de force.

L'histoire a eu de nombreuses résonances internationales. Le 1er décembre, 150 parlementaires européens ont lancé un appel afin qu'Aminatou Haidar rentre chez elle, auprès de ses deux jeunes enfants. Le lendemain, le Sénat américain a adhéré à une campagne de pression publique en ce sens, tandis que l'Espagne a demandé au secrétaire général de l'ONU de l'aider à dénouer l'imbroglio. De nombreuses voix se sont élevées pour demander à Mme Haidar de mettre fin à sa grève. Rien à faire: elle persiste, signe et ne mange pas.