Les projets de réforme se succèdent sans vraiment se concrétiser. Un coup à droite, un coup à gauche : Nicolas Sarkozy a encore occupé tout le terrain politique et médiatique en 2009. Mais où va-t-il vraiment? Nul ne sait, nous rapporte notre collaborateur.

Résumé de 2009 pour Nicolas Sarkozy: le show permanent suit son cours. Comme en 2008, il termine l'année avec des opinions favorables qui oscillent entre 35% et 40%.

 

Un chiffre pas très brillant, puisque son premier ministre, l'invisible François Fillon, est noté à 50%, justement parce qu'on ne le voit jamais. Mais ce n'est pas non plus le désastre, car en cas de nouvelle candidature en 2012 - ce dont personne ne doute -, tout le monde est convaincu que Sarkozy serait réélu sans problème. Il est vrai que l'incapacité du Parti socialiste à se trouver un chef incontesté y est pour quelque chose.

Alors qu'il se trouve exactement à mi-mandat, personne ne pourrait dire très précisément en quoi le vainqueur triomphal de mai 2007 a brillamment réussi - ou spectaculairement échoué. Le président Sarkozy est une machine à produire des projets grandioses à longueur de semaine, chaque nouveau projet chassant le précédent. Les discours «fondamentaux» - sur l'industrie, l'université, l'agriculture, l'identité nationale - se succèdent, superbement écrits par son conseiller spécial Henri Guaino: ils font la une des médias pendant quelques jours, et puis on passe à autre chose.

Une hyperactivité parfois bien utile: on a déjà complètement oublié la désastreuse affaire du fils Jean Sarkozy - 22 ans, peu diplômé, et à qui on avait attribué en octobre la direction du pôle économique de la Défense.

Sur tous les fronts

Y a-t-il un sujet de quelque importance dont le président français ne s'occupe pas personnellement? Le 21 décembre au soir, il s'entretenait longuement au téléphone avec Florence Cassez, une jeune Française emprisonnée depuis quatre ans au Mexique et condamnée, à la suite d'un procès plus que douteux, à 70 ans de prison pour des affaires d'enlèvements crapuleux auxquelles elle se dit totalement étrangère.

La veille, à peine revenu du sommet de Copenhague, il avait convoqué le président de la SNCF à l'Élysée pour qu'il s'explique sur la panne mystérieuse de l'Eurostar qui avait laissé quelque 2000 passagers prisonniers du tunnel sous la Manche pendant une douzaine d'heures.

Dix jours plus tôt, il avait réuni d'urgence un conseil des ministres restreint à l'Élysée pour remédier aux lenteurs de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1).

Cette activité frénétique sur tous les fronts, si elle correspond à son caractère, obéit peut-être également à une stratégie. À François Fillon qui lui conseillait d'espacer l'annonce des grandes réformes, de manière à les rendre plus lisibles, il répondait récemment: «Au contraire, il faut éviter que l'opposition et les médias puissent se fixer sur une réforme en particulier.»

Psychodrame sur l'immigration

De fait, il y a actuellement tant de grands chantiers en cours qu'on ne parvient plus à distinguer ceux qui sont au stade de projet, ceux qui progressent et ceux qui sont en panne ou abandonnés.

Sarkozy est-il le vrai réformateur brutal qu'on annonçait ou un discoureur qui ne passe jamais à l'acte? Bien malin qui pourrait le dire.

Le président Sarkozy a conclu cette année 2009 sur une opération improvisée qui a provoqué à juste titre une levée de boucliers, y compris à droite, chez d'anciens premiers ministres comme Juppé et Villepin.

Il s'agit du fameux «débat sur l'identité nationale», organisé à la va-vite, sans ordre du jour ni cahier des charges, et dans les préfectures, hauts lieux du pouvoir et curieux endroits pour les débats intellectuels. Tel que prévu, ces «débats» ont aussitôt tourné à un psychodrame autour de l'immigration: clin d'oeil appuyé en direction de l'électorat d'extrême droite, à quelques mois des élections régionales de mars prochain.

En même temps, jamais un président de droite n'avait réussi à ce point à brouiller les pistes. Même s'il s'agit de petits coups médiatiques, les nominations «de gauche» ont continué dans le service public et au gouvernement - avec notamment la désignation de Frédéric Mitterrand à la Culture.

Sur la scène internationale, le président français est devenu un ardent apôtre de la «refonte du capitalisme» et de la défense de l'environnement.

Quant à son épouse Carla Bruni, elle est fortement mise à contribution en tant que caution «de gauche» du régime.

Pas un pur et dur

La seule certitude concernant Nicolas Sarkozy 1er - comme l'écrit le satiriste Patrick Rambaud dans ses Chroniques -, c'est que le libéral pur et dur à la Thatcher que la gauche dénonçait avec virulence n'a jamais existé dans la réalité. Dans ce pays depuis longtemps handicapé par de lourds déficits publics, on espérait ou redoutait une politique de rigueur budgétaire.

Sarkozy a inauguré son quinquennat avec des largesses fiscales de 15 milliards d'euros. Il s'est montré plutôt généreux au printemps dernier avec les fonctionnaires. Et il a confirmé avant l'été une réduction de 15% de la TVA dans la restauration, avec une facture de 3 milliards pour l'État. Après avoir supprimé la pub à la télé publique: 800 millions.

Sans oublier, cet automne, l'annonce étonnante d'un emprunt exceptionnel de 35 milliards d'euros pour financer des investissements «de fond», répartis entre les universités, la recherche et la filière numérique. La dette française dépassera allègrement les 80% du PIB en 2010.

Nicolas Sarkozy a le don d'ubiquité sur la scène publique. Mais où va-t-il vraiment? Nul ne sait.