Les pirates informatiques russes sont réputés parmi les meilleurs du monde. Et ils peuvent agir pratiquement en toute impunité partout sur la planète virtuelle, nous raconte notre collaborateur.

À quelques jours du sommet de Copenhague, la diffusion d'échanges de courriels entre climatologues britanniques, qui émettaient des doutes sur leurs propres études sur le réchauffement climatique, avait mis dans l'embarras la communauté scientifique. Rapidement, les pirates informatiques russes avaient été accusés d'être à l'origine du «Climategate».

 

Idem dans le cas d'un présumé détournement de dizaines de millions de dollars de la Citibank, révélé fin décembre par les autorités américaines.

S'il n'a toujours pas été prouvé clairement que les pirates russes étaient à l'origine de ces deux coups fumants, les pays occidentaux sont prompts à les accuser pour tout cybercrime. C'est que leur passif est déjà lourd et qu'ils sont nombreux et qualifiés, explique Nikita Kislitsine, rédacteur en chef de la revue Hacker.

Dans le cas de certains cybercrimes politiques, ils sont même accusés d'agir avec l'assentiment du Kremlin. Comme en 2007, en pleine crise avec l'Estonie à propos du déplacement d'un monument de soldat soviétique dans la capitale Tallinn.

Plusieurs ordinateurs de ce gouvernement «ennemi» avaient alors été mis hors service. Le groupe jeunesse pro-Kremlin Nachi s'était finalement vanté publiquement d'être à l'origine du coup, sans être embêté par les autorités.

Autorités incompétentes

Les informaticiens russes ont toutefois bien d'autres raisons que la politique pour se tourner vers le piratage, estime Nikita Kislitsine. Plusieurs succombent à la tentation par manque de défis professionnels et en raison des salaires plus bas qu'en Occident.

S'ils commettent généralement leurs cybercrimes en Europe de l'Ouest et aux États-Unis, ce n'est pas un hasard. «Il y a une entente tacite (entre les pirates russes) selon laquelle il ne faut pas voler en Russie. Parce qu'il n'y a pratiquement rien à y voler, parce que c'est mal de voler les siens, mais aussi parce qu'ils pourraient avoir des problèmes», explique M.Kislitsine.

«Les pirates savent qu'en Russie, ça ne risque pas de se régler devant une cour comme aux États-Unis, mais plutôt dans une voiture noire avec des hommes de main de la banque qui vous emmènent «discuter» sous un pont de Moscou», dit-il, se faisant l'écho des rumeurs qui courent dans le cyberespace.

Par contre, les risques d'être attrapé par les autorités russes pour un cybercrime économique sont minces, en raison de leur incompétence, estime Nikolaï Fedotov, analyste principal chez InfoWatch, une entreprise russe spécialisée dans la protection de données. Seuls de très rares cas se sont rendus jusque dans une salle de cour.

Si le crime est commis à l'étranger, comme la très forte majorité le sont, les risques diminuent d'autant plus. «Il n'y a de la coopération entre les États que dans des cas de crimes très graves», ajoute M. Kislitsine.

Comme la menace nucléaire

Le gouvernement russe promet pourtant de s'attaquer au problème. Pour cet analyste, la lutte contre la cybercriminalité économique n'est cependant que l'une des trois menaces qui devraient convaincre les États d'unir leurs forces sur l'internet.

Le cyberterrorisme et surtout, l'utilisation de l'internet à des fins militaires sont encore plus dangereux, explique Dmitri Grigoriev, conseiller en relations internationales à l'Institut des problèmes de la sécurité de l'information.

«Longtemps, les Américains ont cru que, parce qu'ils sont les créateurs de l'internet, ils peuvent en régler les problèmes seuls. La nouvelle administration (Obama) a finalement reconnu qu'elle ne le pouvait pas», explique M. Grigoriev. Depuis six mois, la Russie discute avec les Américains et d'autres pays pour poser les bases d'un traité de «désarmement». Pour M. Grigoriev, la menace cybernétique doit être traitée «de la même façon que la menace nucléaire».

«Il n'y a pas encore de faits avérés d'un pays qui aurait utilisé l'internet comme une arme de guerre. Mais toutes les grandes puissances sont prêtes à le faire. Il y a une menace. Nous ne savons pas exactement en quoi elle consiste, mais nous savons que nous devons faire quelque chose», conclut M.Grigoriev.