Quarante personnes ont été tuées hier en Irak par la bombe que portait une femme. La semaine dernière, deux femmes kamikazes auraient eu l'intention de se faire exploser dans un avion de ligne américain. Coïncidence? Pas selon la professeure et auteure Mia Bloom, du Centre international d'étude du terrorisme de l'Université Penn State. Dans son livre à paraître l'été prochain, Bombshell: Women and Terror, elle soutient qu'il faut s'attendre à voir de plus en plus de femmes islamistes au premier plan. 

Q Êtes-vous surprise par le rôle des femmes dans les récents attentats islamistes?

R Non, pas totalement. Il y a une augmentation des attaques par des femmes en Irak. Les femmes sont recrutées pour attaquer d'autres civils puisque, évidemment, les femmes se fondent mieux parmi eux. (...) Un soldat américain m'a dit qu'ils ne doivent pas les regarder dans les yeux, même s'ils ne les fouillent pas. Certains groupes ont utilisé des femmes précisément pour cette raison. C'est une situation gagnante sur tous les plans: si les femmes échappent aux fouilles, elles peuvent être utilisées; si elles sont fouillées, les groupes islamistes peuvent susciter la colère de la population à cause de l'atteinte à l'intégrité des femmes. 

Q Pourquoi alors n'en voit-on pas davantage?

R Ce ne sont pas toutes les organisations qui ont les mêmes idées sur l'utilisation des femmes. Il y a toujours des réticences de la part de certains leaders comme Oussama ben Laden et (son lieutenant) al-Zawahiri. (...) Il n'y a pas d'accord uniforme parmi tous les groupes d'Al-Qaeda sur ce qu'ils doivent faire avec les femmes.

Q Mais que leur présence augmente...

R Absolument. Je pense que lorsqu'il y aura un changement de génération, on verra plus de femmes parce que les jeunes ont une attitude différente sur ce que les femmes peuvent faire ou non. (...) C'est pourquoi on en voit désormais en Somalie. On en verra davantage au Pakistan. Les derniers endroits où on en verra seront l'Arabie Saoudite et l'Afghanistan, où le rôle traditionnel des femmes leur impose toujours d'être enfermées. Une femme en public se fait remarquer.

Q Les premières kamikazes de Palestine ont parfois été présentées comme des femmes qui devaient laver leur honneur ou venger la mort de membres de leur famille. Sont-elles des victimes ou agissent-elles de leur propre chef?

R Certaines femmes le font assurément par choix. Particulièrement les converties, comme en Europe, qui sont très enthousiastes. Certaines femmes sentent qu'elles pourront faire une plus grande différence mortes que vivantes. Mais nous avons vu des situations où les femmes ont été brutalisées et trompées. On leur a dit qu'elles transporteraient de la drogue alors que quelqu'un a actionné leur bombe à distance.

Q Est-il possible de renverser la tendance?

R Il faudrait un programme d'éducation pour montrer aux femmes qu'elles peuvent faire plus en vie que mortes. (...) Le directeur de notre centre dit que la meilleure façon de combattre le terrorisme est de montrer ce qu'est la vie de terroriste. Je pense qu'elles ont un fantasme de la vie de terroriste. La réalité est très différente. (...) Nous ne pensons pas qu'il y ait une solution militaire. Quand on tue un terroriste, on en crée deux nouveaux.

Q Les kamikazes sont les plus spectaculaires, mais les femmes sont actives partout, notamment dans la propagande. Ne sous-estimons-nous pas l'influence qu'elles peuvent avoir?

R C'est ce qui est très important: l'Indonésie, par exemple, a tué des leaders islamistes, mais les femmes continuent d'envoyer leurs enfants dans les mêmes écoles islamiques que leurs pères ont fréquentées pour perpétuer la lutte. C'est très important de non seulement s'adresser aux femmes très actives dans les réseaux, mais aussi à celles qui élèvent leurs enfants dans un environnement qui glorifie cette lutte.