Le massacre politique du 28 septembre a fait craindre le pire pour ce pays dirigé par seulement deux présidents et une junte militaire depuis son indépendance en 1958. Mais cinq mois plus tard, la Guinée défie les prédictions: l'armée se retire doucement du pouvoir et un gouvernement de transition prépare des élections démocratiques. Le début de la fin de la crise ?

Le capitaine Moussa Dadis Camara n'y aurait été pour rien.

Quand son armée a investi le stade de Conakry le 28 septembre, en massacrant au moins 156 personnes qui assistaient à un rassemblement politique (sans parler de la centaine de femmes violées sur place), ni le chef de la junte, Dadis Camara, ni ses collaborateurs n'étaient présents. Donc, «ils ne sont responsables de rien», a affirmé mardi le procureur Siriman Kouyaté.

 

La commission d'enquête de l'ONU en était pourtant arrivée à des conclusions beaucoup plus sévères cet automne. Celle-ci avait conclu à «une responsabilité pénale individuelle» de Moussa Dadis Camara et de ses collaborateurs. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a même parlé de «crime contre l'humanité» et demandé à la Cour pénale internationale de se saisir du dossier.

Pour Kerfalla Kourouma, rédacteur en chef de Guinée Conakry Info, journal internet indépendant nourri par une dizaine de journalistes guinéens, le capitaine Dadis Camara a certainement une responsabilité dans le massacre. «Oui, forcément», dit le journaliste, joint cette semaine à Conakry. «Il était là quand les gens ont marché dans la rue. Je suis convaincu que tout a été planifié pour aller tirer sur les gens. Je n'ai pas de doute que sa responsabilité est pleinement engagée.»

Kerfalla Kourouma le dit haut et fort, et n'est pas le seul à l'affirmer dans son pays. Ce simple fait montre que malgré le massacre politique de septembre et la conclusion douteuse de la commission d'enquête cette semaine, la Guinée ne s'enfonce pas dans l'autoritarisme. La route vers la démocratie est longue, mais les Guinéens semblent avoir trouvé leur chemin.

L'espoir en Konaté

Moussa Dadis Camara est toujours en convalescence au Burkina Faso, après que son aide de camp eut tenté de l'assassiner le 3 décembre. Selon RFI, le capitaine a voulu, devant la commission d'enquête onusienne, faire porter le blâme du massacre du 28 septembre à son adjoint.

À sa place a été désigné le général Sékouba Konaté, ancien ministre de la Défense. Le militaire est perçu comme un homme discret et est apprécié des Guinéens. «Depuis son dernier discours, il n'a plus rien dit. Il ne se mêle pas des affaires politiques pour improviser des décisions», dit M. Kourouma.

Sékouba Konaté ne semble pas avoir l'intention d'exercer le pouvoir. À preuve, la nomination le 21 janvier de Jean-Marie Doré, porte-parole du forum des Forces vives (opposition et syndicats) au poste de premier ministre de transition, chargé d'organiser des élections dans six mois.

En retard

«M. Doré est bien connu des Guinéens. De tous les politiciens du pays, c'est celui qui passe le plus de temps en Guinée, dit M. Kourouma. Il connaît parfaitement le pays. Il a courtisé tous les dirigeants qui se sont succédé au niveau des départements, sous (Lansana) Conté, sous Dadis. Mais c'est la composition de son gouvernement qui va aider à comprendre ce qu'il veut.»

Un gouvernement dont il devait annoncer la composition avant la fin janvier. Mardi, en point de presse, M. Doré a expliqué ce retard par la difficulté de concilier les positions de tous les membres de Forces vives.

Le premier ministre Doré a six mois pour organiser des élections. Y arrivera-t-il? Certains en doutent. Mais pour Kerfalla Kourouma, l'instauration d'une vraie démocratie est indispensable au développement de son pays et à la mise au travail des jeunes au chômage. «Quand il y a de la violence, est-ce que vous pensez à investir? Non. Tout est lié à la démocratie.»

Pour joindre notre journaliste: judith.lachapelle@lapresse.ca