Après avoir suscité une montagne d'attention, le débat français sur l'identité nationale a finalement accouché d'une souris.

La métaphore était sur toutes les lèvres hier au lendemain de l'annonce, par le premier ministre François Fillon, d'une série de mesures censées marquer l'aboutissement de cet exercice controversé. 

La plupart de ces mesures, de l'aveu même du gouvernement, sont de nature «symbolique» et portent sur le secteur de l'éducation.

Le premier ministre a notamment précisé que le drapeau national devra désormais flotter devant toutes les écoles du pays et qu'il y aura dans chaque classe un exemplaire de la Déclaration des droits de l'homme, véritable «référence républicaine».

Le gouvernement souhaite aussi donner à tous les enfants l'occasion de chanter l'hymne national - La Marseillaise - au moins une fois par année.

François Fillon a évoqué par ailleurs, sans donner de détails, un éventuel renforcement du contrat d'intégration des immigrés qui obtiennent la nationalité française. Il prévoit déjà une journée de formation civique, un examen de français assorti de cours au besoin et une journée d'initiation aux institutions du pays.

Enfin, le chef du gouvernement a annoncé la création d'une commission composée d'élus et d'intellectuels qui devra étudier l'impact des mesures retenues et en suggérer d'autres au besoin, ce qui pourrait recouper le travail d'une instance existante, le Haut Conseil à l'intégration, qui dispose d'un mandat similaire.

«Pet de lapin»

François Fillon a précisé, sans véritablement convaincre, que le débat continuerait durant tout le quinquennat du président Nicolas Sarkozy, histoire de dissocier cette réflexion des élections régionales prévues dans un mois.

Le premier ministre, qui devait prendre la parole à un colloque à grand déploiement finalement remplacé par un simple «séminaire» ministériel, est resté à l'écart des projecteurs, ce qui témoigne du malaise de l'Élysée face à ce dossier.

Les principaux partis de l'opposition, qui avaient demandé au gouvernement de mettre un terme au débat pour faire cesser les dérapages à relents racistes, n'ont pas manqué d'ironiser sur les mesures annoncées.

«Pourquoi fallait-il déchaîner tant de passions, provoquer tant de dérapages, solliciter tant de légitimes suspicions pour finir par apposer une déclaration des droits de l'homme dans chaque classe?» a ironisé l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande.

Le président du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a souligné que nombre de Français «doivent ressentir un grand dégoût» d'avoir vu le pays s'enliser dans une «comédie sinistre» sur l'identité nationale.

La presse de gauche n'était pas en reste. Le directeur de Libération, Laurent Joffrin, s'est gaussé hier de la modestie des propositions gouvernementales et de la discrétion de l'annonce.

«On avait prévu un colloque à grand spectacle avec tralala intellectuel, fourmillement de propositions et lyrisme présidentiel. On s'est rabattu sur un conseil interministériel plutôt miteux avec trois propositions placebo. Les grandes orgues nationales se changent en pet de lapin bessonien», a-t-il écrit.

Sarkozy grand perdant?

Rare voix positive dans ce concert de sarcasmes, le journal économique Les Échos s'est félicité du fait que le premier ministre ait réussi à «apurer le débat avarié» en le faisant glisser «subrepticement» de l'identité nationale à l'identité républicaine, «de ce qui divise vers ce qui rassemble».

A priori, le premier perdant de l'exercice semble être le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Eric Besson, qui a dû croiser le fer avec plusieurs collègues furieux de la tournure des discussions et de leur impact sur l'image du gouvernement.

Hier, il a assuré lors d'une entrevue à la radio qu'il «assumait tout». «Discuter de ce qui nous lie, ça n'est pas une peine. On a besoin de se parler, c'est indispensable», a-t-il plaidé.

Mais à terme, le plus grand perdant pourrait être le président lui-même, qui avait sommé ses troupes, à l'automne, d'insister sur les questions de l'immigration et de l'identité en prévision des élections régionales. Selon l'hebdomadaire Le Point, la manoeuvre visait à plaire aux électeurs d'extrême droite du Front national.

Les derniers sondages indiquent que la gauche, déjà aux commandes dans la plupart des régions, se dirige vers une large victoire, voire un balayage.