«Quand tout sera fini, je pense que les gens diront que Barack Obama est le premier président juif.»

Abner Mikva, un des mentors de l'ancien sénateur d'Illinois et ex-conseiller juridique de Bill Clinton à la Maison-Blanche, a lancé cette boutade lors d'une entrevue à un journal juif de Chicago durant la campagne présidentielle de 2008. Il voulait ainsi souligner les liens nombreux et étroits du futur président avec les membres de la communauté juive de sa ville d'adoption. 

Les Juifs des États-Unis ont certainement fait confiance au candidat démocrate à la Maison-Blanche, lui accordant 78% de leurs suffrages lors du scrutin de 2008, un appui surpassé par un seul groupe ethnique, les Afro-Américains. Mais les Juifs d'Israël sont loin de partager cette affinité avec le président américain, un fait qui nuit considérablement à sa politique au Proche-Orient, où ses efforts pour relancer les négociations entre Israéliens et Palestiniens se sont soldés jusqu'ici par un échec.

La méfiance de plusieurs Juifs israéliens ne tient pas seulement aux exigences de Barack Obama à l'égard d'Israël, exigences que celui-ci a réitérées en vain la semaine dernière lors d'une rencontre à la Maison-Blanche avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Elle relève également d'une perception négative des sentiments du président américain à l'égard des Juifs et d'Israël entretenue par des tenants de la droite.

Accusation absurde

Le beau-frère du premier ministre Nétanyahou, Hagai Ben-Artzi, a donné une idée de cette perception en traitant le président Obama d'«antisémite» lors d'une entrevue récente à la radio israélienne. Il réagissait à la colère exprimée par l'administration américaine à la suite de l'annonce, durant la visite récente du vice-président Joe Biden en Israël, de la construction de 1600 logements juifs dans un secteur à majorité arabe annexé de Jérusalem-Est.

Le premier ministre Nétanyahou a aussitôt dénoncé les commentaires de son parent, mais il semble lui-même éprouver une forte méfiance à l'égard du chef de la Maison-Blanche et de son entourage. Selon la presse israélienne, il aurait notamment qualifié en privé deux des plus proches collaborateurs du président américain, Rahm Emanuel et David Axelrod, de self-hating Jews, des juifs qui ne s'assument pas.

Comme l'a souligné dans un éditorial récent David Remnick, rédacteur en chef de l'hebdomadaire The New Yorker, cette étiquette ne peut sérieusement être accolée à Emanuel, chef de cabinet de la Maison-Blanche, qui a servi l'armée israélienne à titre de volontaire civil durant la première guerre du Golfe, ou à Axelrod, conseiller présidentiel, dont le bureau est décoré d'une affiche en hébreu disant «Obama à la présidence».

L'accusation d'antisémitisme à l'endroit de Barack Obama est tout aussi absurde, selon Remnick, dont la biographie du président, intitulée The Bridge: The Life and Rise of Barack Obama, sortira en librairie le 6 avril. En fait, selon les recherches du biographe, l'ironie veut qu'Obama ait été accusé en 2000 par le représentant Bobby Rush, seul politicien à l'avoir jamais battu dans une élection, d'être la création d'une «cabale» composée de progressistes blancs de Chicago, juifs pour la plupart.

Amis juifs à Chicago

Les liens d'Obama avec la communauté juive de Chicago dépassent largement le cercle de mentors et bailleurs de fonds juifs qui ont joué un rôle important dans son ascension politique. Comme le souligne Remnick, l'ami et voisin du futur président, Arnold Jacob Wolf, était un rabbin. Le cousin de sa femme, Capers Funnye, est le premier Afro-Américain à faire partie du Conseil des rabbins de Chicago. Un des collègues dont il était le plus proche à Springfield, Ira Silverstein, un juif orthodoxe, faisait appel à ses services durant le sabbat pour ouvrir la lumière ou pousser le bouton d'un ascenseur.

Barack Obama avait certes des amis à Chicago chez les intellectuels d'origine palestinienne, dont l'historien Rashid Khalidi, farouche critique de la politique américaine au Proche-Orient. Il est vrai aussi que son ancien pasteur, Jeremiah Wright, a dénoncé la complicité du gouvernement américain dans le «terrorisme» dont les Palestiniens font les frais, à son avis.

Mais les amis juifs d'Obama à Chicago n'ont jamais douté de son engagement et de sa sympathie envers leur communauté ou l'État hébreu, selon David Remnick. Cela ne fait évidemment pas de lui le «premier président juif» mais, dans un monde idéal, cela devrait compter dans le jugement que portent sur lui ses critiques en Israël, y compris le beau-frère de Benyamin Nétanyahou.