Un pays en voie de stabilisation qui vient de relever avec brio le défi d'élections nationales. Voilà l'image de l'Irak qu'aime projeter l'administration américaine ces jours-ci, à trois mois du retrait de ses troupes. Mais cette image de leur pays est un peu simpliste, selon des militants de la société civile irakienne.

En visite à Montréal cette semaine pour participer à une série d'activités sur l'avenir de l'Irak organisées par l'organisme Alternatives, Shémiran Odesho, une des fondatrices de la Ligue irakienne des femmes, hésite à qualifier de succès retentissant les élections du 7 mars dernier, auxquelles 60% des électeurs irakiens ont pris part.

 

«Beaucoup de gens de la société civile disent que les élections ont été positives», malgré des fraudes que le Réseau pour l'avenir démocratique irakien (IDFN) a pu observer dans plusieurs bureaux de vote, raconte celle qui milite elle-même au sein de l'IDFN. «Mais le vrai problème avec les élections, ce ne sont pas les fraudes, c'est le droit électoral qui a divisé l'Irak en districts électoraux. Pour être élu dans le nord du pays, à Souleimaniya, ça prend 40 000 voix, alors que dans certaines régions du Sud, ça en prend 25 000», ajoute Mme Odesho, qui espère changer la donne au cours des quatre prochaines années.

Lui aussi membre de l'IDFN, l'ancien footballeur professionnel Abdulmunem Jaber Hadi note, pour sa part, que ce sont les tractations post-électorales qui le laissent le plus sur sa faim. Les deux partis qui ont remporté le plus de sièges - la liste Iraqiya de Iyad Allaoui et l'Alliance de l'État de droit de Nouri al-Maliki - se disputent le pouvoir. «Il y a des appels de la société civile pour qu'il y ait un gouvernement de consensus auquel toutes les listes prendraient part. Nous allons mettre de la pression pour qu'un gouvernement soit formé pour remplir le plus vite possible le vide politique actuel. C'est crucial alors que nous travaillons au retrait de l'occupant», estime l'ancien sportif, en faisant référence aux troupes américaines et étrangères qui doivent quitter l'Irak au cours de l'été.

Renforcer l'armée irakienne

Un des défis majeurs de ce retrait, estime Shémiran Odesho, sera de renforcer l'armée irakienne qui devra maintenir la sécurité du pays et tenir tête aux pays voisins, dont l'Iran, la Turquie et l'Arabie Saoudite, qui ont tous des intérêts en Irak. Mais ce défi, dit-elle, ne peut être relevé que par les Irakiens eux-mêmes.

Mme Odesho et plusieurs féministes, journalistes et militants irakiens participeront à une conférence, ouverte au public, sur le thème «Après la guerre, la paix?» à la chaufferie du pavillon Coeur des sciences de l'Université du Québec à Montréal, ce soir à 19h.