Si les enquêteurs n'ont pas encore éclairci ou révélé le mobile de l'attentat raté de Times Square, le monde a, en revanche, une meilleure idée du parcours de son auteur présumé, Faisal Shahzad, dont la comparution devant un tribunal new-yorkais a été annulée hier en partie parce que le suspect continue à coopérer avec les enquêteurs. Portrait d'un jeune homme originaire d'un milieu aisé, comme plusieurs terroristes.

L'histoire tient quasiment du cliché: un homme issu d'une bonne famille musulmane, que rien ne prédispose au djihadisme, décide de tuer des Occidentaux dans un acte de violence aussi spectaculaire que meurtrier.

Ce profil est celui de plusieurs terroristes, dont Umar Farouk Abdulmutallab, ce Nigérian de 23 ans qui a tenté de faire exploser le vol Amsterdam-Detroit le 25 décembre dernier. C'est aussi celui de Faisal Shahzad, qui a reconnu mardi son implication dans l'attentat raté à la voiture piégée de Times Square.

Né au Pakistan il y a 30 ans et élevé à Mohin Banda, village situé dans le nord-ouest du pays, Shahzad est le fils d'un général de division dans l'armée de l'air, position privilégiée dans une société où les militaires exercent un grand pouvoir et une grande influence. Comme son frère aîné, ingénieur mécanique installé au Canada, il a fréquenté les écoles privées de Peshawar réservées à l'élite.

Du «rêve américain» au cauchemar

De 1999, année de son arrivée aux États-Unis comme étudiant, à 2009, année où il serait retourné au Pakistan pour suivre une formation pour la fabrication de bombes, Faisal Shahzad a mené une vie que plusieurs émigrants associent au rêve américain. Il a décroché un bac en sciences informatiques de l'Université de Bridgeport, au Connecticut, puis un MBA de la même institution.

Il a travaillé comme comptable au sein du groupe cosmétique Elizabeth Arden, puis comme analyste financier pour une entreprise de marketing de Norwalk, au Connecticut. Il a acheté et vendu un appartement, avant de faire l'acquisition, en grande partie à crédit, d'une maison à Shelton, petite ville du Connecticut située à environ 120 km au nord-est de New York.

Tout en s'intégrant ainsi dans son pays d'adoption, Faisal Shahzad a épousé une Américaine d'origine pakistanaise, Huma Mian, avec laquelle il a eu deux enfants. C'est grâce à ce mariage qu'il a pu obtenir, en avril 2009, sa citoyenneté américaine.

Mais le rêve américain de Faisal Shahzad était en train de se transformer en cauchemar. Criblé de dettes, le jeune homme est retourné au Pakistan pour une période de cinq mois, tout juste après avoir été naturalisé américain, quittant son travail, sa famille et sa maison dont il a cessé de payer l'hypothèque. C'est au cours de ce séjour dans son pays d'origine qu'il se serait rendu dans un camp d'entraînement du Waziristan, région considérée comme un sanctuaire pour les talibans et leurs alliés d'Al-Qaeda. Il est rentré aux États-Unis en février de son plus récent séjour au Pakistan, où vivraient aujourd'hui sa femme et ses enfants.

Basculement

Qu'est-ce qui aurait fait basculer Faisal Shahzad dans l'extrémisme? La plupart de ses connaissances américaines et pakistanaises se sont dites surprises d'apprendre que cet homme, qualifié de «normal» par les uns et de «moderne» par les autres, ait tenté de faire exploser une voiture piégée à Times Square.

Mais il n'était pas dépourvu d'opinions politiques. Le Daily News de New York a cité un de ses voisins au temps où il vivait à Shelton. Shahzad lui a confié, tout en regardant avec lui un reportage de CNN sur les tirs de drones américains en Afghanistan: «Ils ne devraient pas tirer sur les gens des airs. Ils devraient descendre au sol et se battre.»