Il y a d'abord eu «Ninoy» Aquino, martyr politique assassiné par Ferdinand Marcos alors qu'il rentrait d'exil. Il y a ensuite eu «Cory» Aquino, veuve qui a réussi à mettre fin à la dictature philippine grâce à un mouvement populaire. Aujourd'hui, il y a «Noynoy», seul fils des deux premiers, qui devrait bientôt prendre les rênes du pays qui vénère ses parents.

Au moment de mettre sous presse hier, le sénateur Benigno Aquino III, surnommé «Noynoy» dans son pays natal, était à un cheveu de remporter la présidence. Avec près de 80% des résultats du scrutin de lundi comptabilisés, le fils Aquino, qui a recueilli 40% des voix, détenait 15% d'avance sur son plus proche rival, l'ex-président Joseph Estrada.

 

Il y a un an, personne sur la scène politique philippine n'aurait pu prédire cette élection. Dans la famille Aquino, célébrissime dans le pays asiatique, Noynoy a longtemps été l'un des plus effacés, vivant dans l'ombre de ses parents et de sa soeur Kris, animatrice de télévision comparée à Oprah Winfrey.

Telle mère, tel fils ?

Mais un deuil national a tout changé. En août dernier, quand Corazon Aquino a succombé à un cancer, Noynoy a été propulsé sous les projecteurs. Encouragé par des partisans de sa défunte mère à briguer la présidence, l'économiste de formation s'est retiré dans un couvent, comme l'avait fait sa mère avant d'affronter Ferdinand Marcos dans l'élection de 1986. Ses prières l'ont transformé en candidat.

La sympathie à l'égard de l'ex-présidente disparue, icône de la démocratie aux Philippines malgré un mandat présidentiel inégal, a aidé le fils à se hisser dans les intentions de vote. L'homme de 50 ans n'a pas hésité à reprendre la couleur de la campagne de sa mère, le jaune, ainsi qu'à faire jouer les chansons qu'affectionnait son père lors de ses rassemblements politiques.

Après un départ en lion, son étoile a cependant pâli. Ses rivaux ont attaqué son mince bilan de législateur, notant qu'il n'avait jamais fait adopter un seul projet de loi en tant que sénateur, et l'ont accusé de vivre du legs de ses parents. Au cours des derniers mois, son avance dans les sondages a été menacée par Manuel Villar, homme d'affaires autodidacte. Mais dans l'isoloir, le nom d'Aquino a eu le dessus.

Si les Philippins ont célébré avec faste l'élection de Corazon Aquino, l'arrivée de son fils au pouvoir ne semble pas créer le même engouement, selon le Montréalais Stefan Christoff, qui participe à une mission internationale d'observation des élections. «Il n'y a pas de fête dans les rues de Manille. Les gens à qui j'ai parlé haussent les épaules. Pour eux, c'est une grande dynastie politique qui prend de nouveau le pouvoir. Pas le signe d'un grand changement», témoigne Stefan Christoff.