Le Conseil de sécurité de l'ONU s'apprête ce matin à voter de nouvelles sanctions contre l'Iran. Elles prévoient notamment l'inspection en haute mer des navires iraniens soupçonnés de transporter du matériel pouvant servir à fabriquer une bombe nucléaire. L'Iran a répliqué qu'il refuserait désormais toute négociation. Pour compléter l'impasse, la Turquie est de plus en plus réticente à sévir contre l'Iran, pays avec lequel elle collabore dans sa lutte contre les Kurdes, et à satisfaire Israël, après l'assaut sanglant contre un navire turc devant Gaza la semaine dernière. Pour mieux comprendre ce qui se trame derrière ce ballet diplomatique, La Presse a posé cinq questions à Houchang Hassan-Yari, politologue au Collège militaire de Kingston.

Question: Quelles sanctions sont envisagées par le Conseil de sécurité de l'ONU? Seront-elles efficaces?

Réponse: «Il y aura des restrictions aux investissements iraniens à l'étranger dans certains secteurs, comme les mines d'uranium. Les navires iraniens pourront être inspectés en haute mer, ce que les sanctions unilatérales américaines prévoient déjà. Il y aura aussi de nouvelles interdictions de ventes d'armes et des mesures contre les banques, la Garde républicaine et les compagnies de navigation iraniennes. Il y aura certainement un impact sur l'Iran, qui est cependant passé maître dans l'art de contourner les sanctions. Les navires changent souvent de propriétaire, entre autres.»  

L'envoyé américain à l'ONU a pour sa part indiqué hier au New York Times que la preuve que ces nouvelles sanctions seront efficaces est que l'Iran fait beaucoup d'efforts pour éviter leur adoption.

Q: Doit-on s'inquiéter de la réaction de Mahmoud Ahmadinejad?

R: «C'est une énigme. Il pourrait s'impliquer plus directement dans une tentative de forcer le blocus de Gaza. Si c'est le cas, les tensions dans la région vont augmenter.»

Q: Une entente a été conclue entre l'Iran, la Turquie et le Brésil. Pourquoi ne satisfait-elle pas les États-Unis?

R: «C'est essentiellement une nouvelle version d'une entente négociée en octobre dernier entre l'Union européenne, la Russie et l'Iran. L'Iran ne l'a pas respectée, ce qui a beaucoup irrité la Russie et explique qu'elle appuie maintenant les sanctions. De plus, l'Iran a deux fois plus de matériel nucléaire maintenant que l'automne dernier. Ils en ont assez pour une, deux ou même trois bombes. La situation est très différente. Le Brésil et la Turquie estiment quant à eux que leur entente a plus de chances d'être respectée par l'Iran parce qu'ils en ont reçu l'assurance par le Guide de la révolution et à cause de la solidarité entre les pays du tiers-monde.»

Q: Ces sanctions seront-elles respectées? Même par la Turquie?

R: «Trois pays du Conseil de sécurité voteront vraisemblablement ou probablement contre les sanctions: la Turquie, le Brésil et le Liban. Le Brésil a déjà annoncé qu'il les respecterait si elles étaient adoptées. La Turquie pourrait se satisfaire de conserver de bonnes relations avec l'Iran, qui lui fournit le tiers de son gaz naturel, grâce à son opposition aux sanctions. Mais elle pourrait aussi fermer les yeux. D'ailleurs, les sanctions auront moins de poids symbolique parce qu'elles ne seront pas adoptées à l'unanimité, contrairement aux trois autres résolutions sur des sanctions contre l'Iran.»

Q: Une frappe militaire israélienne contre les installations nucléaires iraniennes est-elle encore possible?

R: «Si Israël considère qu'il est dans son intérêt de le faire, il n'y aura pas d'hésitation. D'ailleurs, une frappe militaire israélienne pourrait rapprocher Israël des pays arabes, que la perspective d'un Iran nucléaire inquiète beaucoup.»