Igor Soutiaguine est un chercheur russe spécialisé en armement stratégique et condamné en 2004 pour espionnage au profit des États-Unis, qui se retrouve au centre d'une affaire d'échange de prisonniers digne de la guerre froide.

Cet homme de 45 ans à la calvitie naissante, dont la photo s'étale à la une de plusieurs quotidiens russes jeudi, purge en Russie une peine de 15 ans de prison pour avoir transmis des documents classés secrets.

Après près de 11 ans en détention depuis son arrestation fin 1999, Soutiaguine, qui a toujours clamé son innocence, a appris qu'il serait libéré dans le cadre d'un échange avec les membres du réseau d'espions présumés arrêtés fin juin aux États-Unis, selon son avocate, Anna Stavitskaïa.

Incarcéré dans la région d'Arkhangelsk, dans le Nord de la Russie, l'homme a été transféré à la prison Lefortovo de Moscou, selon ses proches, et signé des aveux pour permettre sa libération.

Expert en armement et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, Soutiaguine a été attiré très jeune par les questions militaires, d'après le site internet familial www.sutyagin.ru.

Né le 17 janvier 1965 à Moscou, il a grandi à Obninsk, à l'Est de la capitale russe. La ville abrite un centre de recherche nucléaire, où travaillent ses parents. Brillant à l'école, il a étudié l'histoire des relations internationales au sein du prestigieux institut USA-Canada, dépendant de l'Académie des Sciences de l'URSS. Il y a décroché une maîtrise en 1991, année du démembrement de l'Union soviétique.

Diplômé de la faculté de sciences physiques de Moscou, Soutiaguine a été embauché comme chercheur par cet institut. Il y a gravi les échelons et est devenu responsable du département des techniques militaires et de la politique militaro-économique. Ses travaux scientifiques ont été publiés en Russie ainsi qu'à l'étranger, selon son site internet.

En octobre 1999, cet homme marié et père de deux enfants a été arrêté par les Services de renseignements russes (FSB, ex-KGB) à Obninsk, puis inculpé de «trahison d'État».

Cinq ans plus tard, au terme d'un procès fleuve ajourné maintes fois, Soutiaguine a été reconnu coupable d'avoir transmis des informations secrètes sur le système de défense nucléaire russe à Alternative Furtures, une société britannique de conseil qui servait de couverture à la CIA, selon le FSB.

Condamné à 15 années de camp à régime sévère, Soutiaguine assure que tous les documents qu'il avait remis à l'Occident étaient tirés de textes publics et, après l'énoncé du verdict, il avait lâché: «L'État a besoin d'espions».

Les États-Unis avaient alors critiqué le déroulement du procès, estimant que les règles normales de procédure n'avaient pas été respectées.

Cette accusation avait été relayée par des ONG russes dénonçant également l'«espionnite» dont souffrait le FSB sous la présidence de Vladimir Poutine (2000-2008), après plusieurs procès pour des accusations semblables.

L'ONG Freedom House avait estimé que la condamnation de Soutiaguine avait été «politiquement motivée».

En 2007, Soutiaguine avait sollicité une aministie auprès du président d'alors, Vladimir Poutine, mais n'avait pas obtenu gain de cause, faute de ne pas avoir reconnu sa culpabilité.

Soutiagine a ensuite saisi la Cour européenne des droits de l'homme qui devait examiner l'affaire au printemps de cette année, selon son avocate.