Comment célébrer Noël sous la menace terroriste? C'est la dure question à laquelle répondront plus de 10 millions de chrétiens coptes orthodoxes aujourd'hui, du Caire... à Montréal.

Dans l'entrée de l'église Saint-Marc, rue Garnier, à Montréal, des femmes déposent des dizaines de sacs de pains pitas et de victuailles diverses, destinées aux centaines de chrétiens coptes orthodoxes qui devraient se présenter ce soir pour la grand-messe du Noël orthodoxe. Il faut écrire «devrait», car pour la première fois de son histoire de 36 ans, la petite église du quartier Villeray tremble.

Des gardes de sécurité et des membres de la communauté monteront la garde ce soir devant le lieu de culte, un des plus fréquentés par les quelque 14 000 Montréalais d'origine égyptienne qui sont fidèles à l'Église copte orthodoxe. «Ils essaieront de voir si un véhicule ou des individus suspects traînent aux alentours», a dit à La Presse le père Mikhaïl, un des prêtres de l'endroit, qui espère que les croyants se présenteront. Les trois autres églises coptes orthodoxes de la grande région de Montréal ont aussi prévu des mesures de sécurité accrues.

Deux événements incitent la communauté copte montréalaise à prendre de telles précautions. Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, à la sortie de la messe, une église d'Alexandrie, en Égypte, a été la cible d'un attentat qui a fait au moins 21 morts et 79 blessés. Depuis, un communiqué de presse circule sur des sites internet islamistes extrémistes incitant des musulmans du monde entier à «faire exploser» des églises coptes ce soir. En Égypte, certes, mais aussi en Australie, en Europe et aux États-Unis.

Les églises de Montréal ne figurent pas sur cette liste, mais le mois dernier, sur le site Shumukh-al-Islam, attribué à la nébuleuse Al-Qaïda, le nom, la photo, le numéro de téléphone de 100 coptes canadiens ont été publiés. Dans des commentaires publiés sous cette liste, on pouvait lire des menaces de mort.

Le lien entre les différents communiqués n'est pas difficile à faire, estime Mishriki Guindi, un des Montréalais cités sur la liste de Shumukh-al-Islam. «On va bien voir ce qu'il se passera ce soir, mais une chose est sûre, les tentatives d'intimidation pour que nous ne nous présentions pas ne vont pas fonctionner. Rien ne m'empêchera de fêter Noël, s'est exclamé hier M. Guindi. Nous allons nous charger de notre propre sécurité», ajoute-t-il. Il souligne que, pour le moment, les autorités policières locales ne semblent pas prendre trop au sérieux le désarroi des coptes.

Il a été difficile d'en savoir plus chez la police. Autant au Service de police de la Ville de Montréal qu'à la Gendarmerie royale du Canada, les relationnistes de presse ont dit ne pas être au courant de mesures spéciales déployées pour protéger les églises coptes du pays ce soir.

L'Égypte sur les dents

En Égypte, où les 10 millions de coptes craignent une récidive de l'attentat du Nouvel An, les autorités ont promis de faire le nécessaire pour protéger les églises. Des militants égyptiens ont aussi invité des musulmans à former des chaînes humaines autour des églises qui pourraient être visées. Célébrité nationale, l'acteur Khaled Aboul Naga a joint sa voix à cette campagne. Sur son blogue, il a demandé aux Égyptiens de ne pas «rester immobiles alors que les Égyptiens coptes ne se sentent pas en sécurité dans leurs lieux de culte».

Les autorités égyptiennes ne semblent cependant pas apprécier ce coup de pouce de la société civile. Au cours des derniers jours, lors de manifestations de colère des coptes au Caire, les seules personnes arrêtées étaient des militants venus offrir leur soutien aux chrétiens.

À Montréal, plusieurs coptes se disent peu impressionnés par le gouvernement d'Hosni Moubarak qui, selon eux, ne fait pas assez pour protéger les chrétiens d'Égypte et pour freiner l'islamisation de la société. «Il y a eu un attentat qui a fait six morts l'an dernier le 6 janvier et encore aujourd'hui, personne n'a été puni», rappelle le père Mikhaïl.

Selon lui, cette impunité et le climat de violence poussent un nombre grandissant de chrétiens à quitter l'Égypte pour refaire leur vie aux États-Unis, en Europe, en Australie ou au Canada. «L'émigration a commencé dans les années 60, mais elle a augmenté grandement au cours des deux dernières années. Dans mon église seulement, j'ai vu arriver au moins 100 nouvelles familles», raconte-t-il sous le regard des icônes dorées qui couvrent les murs de l'église.

Les coptes d'Égypte ne sont pas les seuls chrétiens d'Orient à chercher des cieux plus hospitaliers. La population chrétienne du Moyen-Orient est aujourd'hui la moitié de ce qu'elle était le siècle dernier. La récente vague d'attentats, qui a aussi frappé l'Irak et le Pakistan, ne fera rien pour stopper l'hémorragie.

- Avec AP, Libération, le Christian Science Monitor

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ATTENTATS CONTRE LES CHRÉTIENS

Pakistan, 4 janvier 2011: Le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, est assassiné pour avoir notamment défendu une chrétienne condamnée à mort pour blasphème.

Alexandrie, Égypte, nuit du Nouvel An, 2011: 21 personnes sont tuées et 79 autres blessées lors d'un attentat à la sortie de la messe.

Bagdad, Irak, 30 novembre 2010: au moins 50 personnes sont tuées dans la cathédrale Notre-Dame-du-Pepétuel-Secours par des terroristes qui ouvrent le feu sur les croyants rassemblés pour la messe.

Nag Hammadi, Égypte, 6 janvier 2010: 6 chrétiens sont abattus alors qu'ils sortent de la messe de Noël.

Photo: Reuters

Deux coptes et un musulman en ont décousu à Alexandrie en prélude à des affrontements entre jeunes chrétiens et policiers antiémeute, le 1er janvier.