Ce ne sont pas les séismes qui tuent mais les édifices, entend-on souvent. Mais, surtout, la corruption tue et particulièrement dans l'industrie de la construction, proclament deux chercheurs, l'un ingénieur civil et l'autre géologue, dans un texte paru dernièrement dans la revue scientifique Nature.

Nicholas Ambraseys et Roger Bilham se sont penchés sur les statistiques des tremblements de terre des 30 dernières années. Leur constat: 83% de tous les morts causés par des édifices effondrés lors de séismes ont eu lieu dans des pays «anormalement corrompus». Les auteurs soulignent aussi que les pays les plus corrompus sont souvent les plus pauvres.

L'étude s'appuie sur l'indice de perception de la corruption, un indicateur établi chaque année par Transparency International. Cette organisation, qui se donne comme mandat de lutter contre la corruption, se base sur la perception de la corruption dans chaque pays, à partir de sondages menés par des institutions indépendantes.

L'industrie de la construction est mondialement reconnue comme une des industries les plus corrompues, indiquent les chercheurs. Ils dénoncent notamment le recours aux pots-de-vin auprès d'inspecteurs en bâtiment et l'utilisation de matériaux de moindre qualité pour réduire les coûts. Le manque de respect des normes de construction fait de cette industrie un «tueur potentiel», ajoutent-ils. Depuis 1980, 18 300 personnes par année, en moyenne, ont été tuées lors d'effondrements d'édifices pendant des tremblements de terre.

Absence de normes

En Haïti, la corruption existe, mais elle n'est pas la source du problème, nuance Patrick Paultre, professeur à l'Université de Sherbrooke et titulaire de la chaire de recherche du Canada en génie parasismique. Le professeur pointe plutôt les méthodes de construction inadéquates et la pauvreté.

«Il n'y a pas de code de construction en Haïti, donc on ne peut pas dire que le code n'est pas respecté. Chacun suit ce qu'il a appris», explique l'ingénieur civil d'origine haïtienne. «Seulement de 5 à 10% des bâtiments sont construits par des ingénieurs ou des architectes, poursuit M. Paultre. Le reste est construit par des ouvriers ou des gens qui n'ont pas de qualifications.»

Depuis le séisme du 12 janvier 2010, le gouvernement haïtien a imposé aux professionnels de la construction de suivre les normes de construction parasismique nord-américaines ou européennes. Toutefois, les professions d'ingénieur et d'architecte n'étant pas réglementées comme au Québec, il s'avère difficile de faire respecter ces normes, d'autant plus que la majorité des maisons, celles construites par des particuliers, ne sont pas visées par ces mesures.

M. Paultre croit qu'un meilleur contrôle de la qualité des constructions et une meilleure préparation aux séismes seront nécessaires. Le professeur a d'ailleurs récemment mis sur pied un partenariat entre l'Université de Sherbrooke et l'Université d'État d'Haïti, pour mieux former les ingénieurs haïtiens aux normes de construction parasismiques.