Au moins 450 civils ont été tués depuis le début des manifestations prodémocratiques en Syrie. Cette semaine, des chars blindés ont été déployés dans les rues. Mais, malgré la violence, les manifestants persistent et continuent de demander le départ du président Bachar al-Assad, héritier d'une dictature mise en place par son père en 1970. Est-il temps pour le reste du monde de leur venir en aide? Nous avons posé la question à David Welch, directeur par intérim de l'École d'affaires internationales Balsillie à Waterloo.

Q Comment expliquer que le Conseil de sécurité des Nations unies n'ait-il pas été capable à ce jour de s'entendre sur la moindre résolution sur la Syrie alors que le même organe a permis une intervention militaire aérienne en Libye pour protéger les civils?

R Le principe de la responsabilité de protéger s'applique autant à la Syrie qu'à la Libye. C'est un bon cas dans lequel la communauté internationale pourrait intervenir pour éviter que l'État syrien tue ses citoyens. Mais les circonstances sont différentes. C'était plus facile d'agir dans le cas de la Libye. La Libye est en état de guerre civile entre deux factions alors qu'en Syrie, il n'y a pas de guerre civile. Il y a un gouvernement qui réprime durement un soulèvement populaire.

Q Dans de telles circonstances, n'est-il pas encore plus justifié moralement d'intervenir alors que les manifestants syriens ne semblent pas armés?

R En Libye, on n'est pas formellement en guerre contre le pays. On peut prendre des mesures qui permettent de protéger les civils en se limitant à des frappes aériennes. En Syrie, pour protéger les civils, il faudrait déployer des soldats au sol et ce serait l'équivalent d'une invasion. C'est une autre paire de manches. Si un jour, on voit qu'il y a des dizaines de milliers de morts en Syrie, la communauté internationale ira peut-être en guerre, mais on n'est pas encore là.

Q N'y a-t-il pas des considérations politiques derrière tout ça qui expliquent pourquoi la communauté internationale est si prudente à l'égard de la Syrie?

R La Syrie n'a pas beaucoup d'amis. La crainte du Conseil de sécurité en ce moment est de s'engager sur une pente glissante. S'il y a une condamnation de la situation, le Conseil devra se demander quoi faire ensuite et pourrait se diriger vers une intervention dont personne ne veut. D'autant plus que cette intervention aurait lieu au beau milieu du Moyen-Orient. La Syrie a une frontière instable avec l'Irak, a l'appui de l'Iran et est aux portes d'Israël. Plusieurs craignent la déstabilisation de toute la région.

Q Si une intervention militaire n'est pas possible, que peut faire la communauté internationale pour freiner la répression de Bachar al-Assad?

R Le seul groupe qui peut faire quoi que ce soit est l'Union européenne. Elle a les liens économiques les plus forts avec la Syrie. Elle peut dire à Bachar al-Assad de lâcher du lest. Il y a certainement des efforts diplomatiques en cours dans les coulisses. Si l'on se rend à la diplomatie publique, c'est probablement que les pourparlers derrière les portes fermées ne vont pas bien.

Q Donc, qui peut arrêter Bachar al-Assad?

R Les Syriens eux-mêmes. Ce sont les seuls qui peuvent le faire. S'ils continuent à manifester en dépit de la violence, il y aura des changements. Il y a des militaires qui vont défier les ordres qui leur sont donnés. C'est une armée de conscrits. Un jour ou l'autre, ça peut arriver. Mais ça dépendra de la persistance des protestataires.