Longtemps silencieuse, la société mexicaine se réveille et s'insurge contre la barbarie des narcotrafiquants. Une marche pour la paix et la justice et contre l'impunité est partie jeudi de plusieurs villes et culminera demain dans un grand rassemblement à Mexico. Le slogan, «Il y en a ras le bol!», vise aussi la corruption et l'inefficacité des autorités.

Jamais la clameur citoyenne contre la violence ne s'était fait entendre aussi distinctement au Mexique.

Animés par le souvenir douloureux des 35 000 morts, victimes de la guerre des cartels de la drogue, des centaines de personnes participent ces jours-ci à une Marche pour la paix et la justice.

Les manifestants sont partis de Cuernavaca, ville située à 90 kilomètres au sud de Mexico. Des contingents provenant d'autres villes viennent grossir les rangs en cours de route pour converger vers la capitale: la marche culminera demain lors d'un rassemblement qui devrait réunir des dizaines de milliers de personnes sur le Zocalo, la place centrale de Mexico.

D'autres manifestations se tiendront au même moment dans 38 villes du pays.

En tête du cortège marche le poète et journaliste Javier Sicilia, dont le fils a été exécuté fin mars en compagnie de six autres personnes par un gang lié au crime organisé.

Ravagé par cette perte, Sicilia est parvenu à mobiliser tout ce que la société mexicaine compte comme mouvements pacifistes au cri de «Il y en a ras le bol!».

C'est ainsi que le poète a intitulé sa lettre ouverte aux criminels et aux responsables politiques, manifeste qui a secoué les consciences et qui a donné le ton e la protestation: le ras-le-bol s'adresse autant aux narcotrafiquants, auteurs d'une violence «sans nom et dénuée de sens» d'après Sicilia, qu'aux autorités «qui n'ont d'imagination que pour la violence».

Le président mexicain Felipe Calderon a appelé les manifestants à concentrer leur indignation sur les cartels, les seuls responsables de la barbarie d'après lui.

«Rejeter toute la faute sur le crime organisé relève du cynisme», juge Marta Sánchez, une organisatrice de la marche. «C'est l'impunité qui génère toute cette brutalité», estime cette militante, qui rappelle que la revendication principale des manifestants est le retrait des 50 000 militaires qui, d'après eux, ont semé davantage de violence.