Au XXIe siècle, les ambulances et les hôpitaux sont la cible des combattants comme jamais auparavant. Des ambulances ont même été utilisées pour des attentats suicide en Afghanistan et au Pakistan.

«Il y a une perte de respect envers le travail du personnel médical et de la Croix-Rouge», explique Yves Daccord, directeur général du Comité international de la Croix-Rouge à Genève, qui se trouvait au Québec cette fin de semaine pour une réunion des plus importantes antennes nationales de l'organisme. «Ça nous inquiète beaucoup. C'est nouveau. Il y a toujours eu des inquiétudes sur la sécurité, mais avec les conflits asymétriques, ont voit que les attaques ou la répression contre les hôpitaux et les ambulances font maintenant partie d'une stratégie.»

L'«ambulance suicide» en Afghanistan, qui a fait plusieurs blessés dans la police afghane en avril dernier, a ralenti le travail de la Croix-Rouge. «Le problème, c'est l'effet démultiplicateur», explique M. Daccord, en entrevue avec La Presse dans les bureaux de la Croix-Rouge québécoise à L'Île-des-Soeurs. «Depuis six mois, les ambulances doivent s'arrêter aux postes de contrôle. Des heures sont perdues, ce qui met des vies en danger. C'est compréhensible, c'est un cercle vicieux dont personne ne bénéficie. Il y a eu le même effet démultiplicateur de l'attentat contre des diplômés en médecine à Mogadiscio, en 2008, qui a tué 20 futurs médecins. Selon nos calculs, plus de 150 000 consultations ont été perdues pour la Somalie.»

Tâche compliquée

La multiplication des groupuscules armés dans les conflits complique-t-elle la tâche de la Croix-Rouge? «Au Sri Lanka, il n'y avait que deux parties, mais ça n'a jamais été facile, dit M. Daccord. Mais il est vrai que nous devons maintenant maintenir des contacts avec un nombre croissant de groupes. Au Soudan, en 2004, il y avait quatre groupes armés. En 2007, il y en avait 27.»

Qu'en est-il de Gaza? «Nous avons rencontré tout le monde pour éviter que les hôpitaux et les ambulances soient pris d'assaut et servent aussi à abriter des armes ou des gens armés. Nous sommes généralement capables de convaincre nos interlocuteurs, de leur faire comprendre qu'en fin de compte, ce seront leurs femmes et leurs filles qui ne pourront plus avoir un accès rapidement aux traitements dont elles ont besoin. C'est la même chose avec les représailles contre les médecins à Bahreïn ou encore la surveillance des hôpitaux en Syrie: la population civile en entier a un accès ralenti aux soins. Il faut sortir de ce cercle vicieux qui ne donne finalement pas grand-chose sur le plan militaire.»