Depuis les manifestations monstres qui ont ébranlé son régime en fin de semaine dernière, Vladimir Poutine était resté silencieux. Hier, au cours d'une séance télévisée fleuve de questions-réponses avec la population, il a répondu à ses détracteurs. Et le message était clair: pas question de plier.

Le premier ministre russe a même osé se féliciter de ce regain d'activité politique chez ses concitoyens. «Si c'est le résultat du régime poutinien que de telles personnes apparaissent, alors je m'en réjouis!», a répété à deux reprises l'ex-président, qui devrait revenir au Kremlin à l'issue de l'élection présidentielle de mars prochain.

Il a dit avoir regardé à la télévision samedi dernier les 50 000 manifestants réunis place Bolotnaïa pour exiger des «élections honnêtes» et une «Russie sans Poutine». Mais il ne s'en est guère ému. «L'opposition dira toujours que les élections ne sont pas honnêtes, c'est le cas partout et dans tous les pays», a-t-il plaidé, en référence aux législatives contestées du 4 décembre, remportées par son parti Russie unie avec 49,3% des suffrages selon les résultats officiels.

Pour clore le débat, il a annoncé que lors de la présidentielle de mars, des caméras seraient installées dans tous les bureaux de vote du pays afin d'assurer un meilleur contrôle du processus. Il n'a toutefois pas précisé de quel droit il donnerait cet ordre à la Commission centrale électorale, censée être indépendante.

Entre deux questions sur le système de santé et les hausses des tarifs des services publics, les modérateurs de la télévision d'État - pourtant assez dociles - l'ont relancé sur le sujet de l'heure. «J'en ai assez de [parler de] ces élections, mais bon, d'accord», a grommelé Poutine.

L'Occident montré du doigt

L'homme fort du pays a dit «savoir» que plusieurs des manifestants de la place Bolotnaïa «ont été payés» pour participer au rassemblement. «Et c'est bien ainsi. Que les étudiants se fassent un peu d'argent!», a-t-il ironisé. Plus tard, il a laissé entendre que ce financement provenait de l'Occident et visait à fomenter une «révolution de couleur» en Russie. «C'est un schéma établi de déstabilisation de la société», a-t-il dit, rappelant la révolution orange en Ukraine en 2004, à laquelle ont participé certains leaders du mouvement d'opposition russe.

Vladimir Poutine a par ailleurs rejeté l'idée de réglementer l'internet, refuge des opposants devant un paysage télévisuel étroitement contrôlé par le Kremlin, comme l'a proposé cette semaine le secrétaire du Conseil de sécurité russe. «Ce serait à la fois difficile technologiquement et politiquement mauvais», a-t-il reconnu, précisant n'avoir lui-même «pas le temps» de naviguer sur le web.

La 10e émission Discussion avec Vladimir Poutine aura duré quatre heures et demie. Coïncidence: c'est hier que se terminait la période de dépôt des candidatures pour la présidentielle de mars. Officiellement, cette séance de questions-réponses, diffusée en direct sur toutes les télévisions et radio d'État, n'avait rien à voir avec la campagne électorale. Elle aura toutefois permis au «leader national» de rappeler son programme politique à la population, aux frais des contribuables.