(Bakou) L’Azerbaïdjan a « rétabli sa souveraineté » sur le Haut-Karabakh, après une victoire éclair sur les séparatistes arméniens qui ont « commencé » à déposer les armes, s’est félicité mercredi le président azerbaïdjanais.

« La plupart » des forces et des équipements des séparatistes arméniens ont été « détruits », a ajouté le président Ilham Aliev au cours d’une conférence de presse, ajoutant que les autorités arméniennes avaient selon lui fait preuve de « compétence politique » en n’intervenant pas directement dans le conflit.

Vaincus en 24 heures, les séparatistes ont annoncé dans un communiqué la signature d’« un accord sur une cessation complète des hostilités à 13 h [5 h, heure de l’Est] avec la médiation du commandement des forces de paix russes ».

Selon eux, les affrontements ont fait au moins 200 morts et 400 blessés.

Mercredi soir, le président russe, Vladimir Poutine, a indiqué que les négociations sur l’avenir de l’enclave se dérouleraient avec « la médiation » des forces russes déployées sur le terrain.

Deux soldats des troupes russes ont été tués mercredi lorsque leur voiture a été visée par des tirs, a annoncé le ministère russe de la Défense, sans dire quel camp avait été responsable.

Dans le détail, l’accord de cessez-le-feu, confirmé par Bakou, prévoit « le retrait des unités et des militaires restants des forces armées de l’Arménie » et « la dissolution et le désarmement complet des formations de l’Armée de défense du Haut-Karabakh ».

Les séparatistes ont accepté d’avoir jeudi, dans la ville azerbaïdjanaise de Yevlakh, de premiers pourparlers sur « la réintégration » à l’Azerbaïdjan de ce territoire.

À la veille de ces discussions, Hikmet Hajiev, un conseiller du président azerbaïdjanais, a assuré que l’Azerbaïdjan avait « pour objectif la réintégration pacifique des Arméniens du Karabakh » et une « normalisation » des relations avec l’Arménie.

Il a promis « un passage en toute sécurité » aux forces séparatistes arméniennes, assurant que « toutes les actions » menées « sur le terrain » étaient coordonnées avec le contingent de maintien de la paix russe.

Cette victoire azerbaïdjanaise nourrit toutefois les craintes d’un départ massif des 120 000 habitants du Haut-Karabakh, tandis que des images diffusées par des médias locaux montraient une foule rassemblée à l’aéroport, contrôlé par les Russes, de Stepanakert, la capitale des séparatistes.

Plus de 10 000 personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont d’ores et déjà été évacuées de l’enclave, a indiqué mercredi soir un responsable des séparatistes arméniens.

« Nous suivons évidemment de très, très près la dégradation de la situation humanitaire » au Haut-Karabakh, qui a été « exacerbée par les attaques de l’Azerbaïdjan », a déclaré mercredi un porte-parole de la Maison-Blanche.

« Nous voulons que la suspension des opérations militaires s’impose et dure à cause du chaos que cela cause pour les populations civiles », a dit John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, après la signature du cessez-le-feu.

Pachinian sous pression, Aliev renforcé

Or, l’Arménie a accusé mercredi l’armée azerbaïdjanaise d’avoir ouvert le feu à l’arme légère sur ses positions à la frontière entre les deux pays, après l’instauration du cessez-le-feu.

« Des unités des forces armées azerbaïdjanaises ont tiré à l’arme légère sur les avant-postes de combat arméniens près de Sotk », dans une région frontalière, a indiqué le ministère arménien de la Défense dans un communiqué.

La capitulation des séparatistes a fait monter la pression sur le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, critiqué pour ne pas avoir envoyé d’aide au Haut-Karabakh.

PHOTO IRAKLI GEDENIDZE, REUTERS

Manifestants postés devant un édifice du gouvernement arménien protégé par des policiers à Erevan, capitale de l’Arménie

Au lendemain de heurts devant le siège du gouvernement, des milliers de manifestants étaient de nouveau rassemblés mercredi soir et des heurts ont éclaté avec la police. Pachinian « doit partir, il ne peut pas diriger le pays », a déclaré l’un d’eux, Sarguis Hayats, un musicien de 20 ans.

Utilisant la manne pétrolière pour renforcer son armée, Ilham Aliev est quant à lui en passe de réussir son pari de reprendre le contrôle de cette région majoritairement peuplée d’Arméniens, qui a été le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques du Caucase que sont l’Azerbaïdjan et l’Arménie : l’une de 1988 à 1994 (30 000 morts) et l’autre à l’automne 2020 (6500 morts).

Cette victoire « va assurément augmenter la popularité d’Ilham Aliev », au pouvoir depuis 20 ans, mais celui-ci va désormais devoir « tenir sa promesse d’assurer les droits des Arméniens du Karabakh », a souligné Chahin Hajiev, un expert azerbaïdjanais indépendant.

À Bakou, la population saluait dans la rue ce succès. « C’est une bonne chose pour l’Azerbaïdjan », a déclaré à l’AFP Elbrus Sahverdiev, un chef d’entreprise de 37 ans. « Cela marque la fin de l’Arménie », a-t-il lancé, signe de la haine tenace vis-à-vis de cet État voisin.

Acculés par la puissance de feu des unités azerbaïdjanaises, les séparatistes ont plié en 24 heures.

Poutine espère un « règlement pacifique »

Totalement absorbée par la guerre en Ukraine depuis plus d’un an et demi, la Russie a joué un rôle de médiateur dans la signature de ce cessez-le-feu, ont affirmé les séparatistes et Bakou. Mais Moscou, qui juge que la crise au Karabakh est une « affaire intérieure » de l’Azerbaïdjan, n’a jusqu’ici rien dit de l’accord.

Craignant que la reprise des hostilités ne déstabilise tout le Caucase, les Occidentaux et la Russie avaient appelé à un arrêt immédiat des combats, dès mardi.

Des appels ignorés par le président azerbaïdjanais – soutenu par son allié historique turc.

Les autorités azerbaïdjanaises ont déclenché mardi une opération « antiterroriste » au Karabakh, à la suite de la mort de six personnes dans l’explosion de mines posées, affirmaient-elles, par des « saboteurs » arméniens.

Considéré comme une région centrale à son histoire par l’Arménie, le Haut-Karabakh avait proclamé son indépendance de l’Azerbaïdjan avec le soutien d’Erevan au moment de la dislocation de l’URSS, en 1991.