En pleine crise humanitaire dans la bande de Gaza, l’Égypte, qui en partage la frontière sud, est opposée à l’évacuation de civils sur son territoire. Qu’est-ce qui explique cette position du pays arabe ? Nous en avons discuté avec Thomas Juneau, professeur adjoint à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

Depuis une semaine, la pression s’accentue sur le gouvernement égyptien pour permettre l’établissement de corridors humanitaires dans la bande de Gaza et l’évacuation de civils palestiniens.

La bande de Gaza – enclave palestinienne plus petite que l’île de Montréal et peuplée de 2,4 millions de personnes – est bordée au nord et à l’est par Israël, à l’ouest par la mer Méditerranée et au sud par l’Égypte. Depuis plus de 15 ans, le territoire est isolé et seuls deux points de passage – l’un vers Israël, l’autre vers l’Égypte – permettent d’y entrer ou d’en sortir.

« L’idée d’ouvrir des camps juste de l’autre côté de la frontière en disant que la communauté internationale va les financer, l’Égypte n’en veut pas », résume Thomas Juneau de l’Université d’Ottawa.

« Elle regarde le Liban et la Jordanie, où, depuis 1948 et 1967, les réfugiés sont encore là : le fardeau économique et social que ça représente pour ces pays est énorme. »

L’Égypte craint de se retrouver « propriétaire du problème », d’autant que parmi l’afflux massif de réfugiés de Gaza se glisseraient sans doute des sympathisants et des militants du Hamas, a souligné M. Juneau en entrevue téléphonique.

De plus, la région égyptienne qui se trouve de l’autre côté de Gaza, la péninsule du Sinaï, est « très, très pauvre, a des problèmes sociaux et économiques majeurs et […] a déjà de gros problèmes de militantisme islamique », rappelle-t-il.

Les habitants de Gaza doivent « rester sur leur terre », a déclaré le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi jeudi.

Depuis une semaine, la population de la bande de Gaza se retrouve coincée entre les combattants du Hamas et l’armée israélienne, qui y a imposé un siège et lancé une série de bombardements. L’issue de secours de Rafah – vers l’Égypte – reste fermée aux Palestiniens, malgré des négociations à l’international pour favoriser leur évacuation.

Le territoire est contrôlé par le Hamas, groupe déclaré terroriste par le Canada, les États-Unis et l’Union européenne, notamment. Ce groupe prône la destruction de l’État d’Israël et l’instauration d’un État islamiste palestinien.

Le mur entre Gaza et l’Égypte, qui est « très très court », est lui-même un enjeu, ajoute M. Juneau.

« Qu’est-ce qui arrive si ce mur-là est un jour bombardé, qu’il y a une brèche et que les gens se mettent à passer ? Ça va être l’anarchie ! Et ça se ferait dans une violence absolument inouïe. »