Le pape François a fêté le 17 décembre son 87e anniversaire. Sa santé déclinante relance les spéculations sur un conclave. Et donc sur les papabili, les cardinaux qui sont le plus susceptibles de lui succéder sur la chaire de saint Pierre. Un cardinal québécois figure au nombre des prétendants.

« La grande question est de savoir si le successeur de François va continuer ses efforts de décentralisation de l’Église », explique Massimo Faggioli, théologien de l’Université Villanova, en Pennsylvanie, qui a publié en 2020 un livre sur l’impact de François sur l’Église.

Il a nommé la grande majorité des cardinaux électeurs. Ce sont souvent des cardinaux très différents, provenant de régions rurales, de pays où les chrétiens sont minoritaires.

Massimo Faggioli, théologien de l’Université Villanova

« Les sièges cardinalices traditionnels sont ignorés : l’archevêque de Milan, par exemple, n’est pas cardinal même s’il a été nommé en 2017 », ajoute M. Faggioli.

François a créé 97 des 134 cardinaux électeurs, qui ont moins de 80 ans. De ce nombre, il y a 52 Européens, alors que lors du conclave de 2013, il y avait 60 Européens sur 115 cardinaux électeurs. Il y a en outre 4 cardinaux électeurs du Canada, 11 des États-Unis et un de la Nouvelle-Zélande, ce qui fait que, pour la première fois, les cardinaux d’origine européenne seront en minorité pour l’élection d’un pape.

Un pape québécois ?

Parmi les cardinaux canadiens, l’archevêque de Québec, Gérald Cyprien Lacroix, fait partie des papabili les plus souvent nommés, tout comme son prédécesseur Marc Ouellet en 2013. « Lacroix vient d’être nommé au C9, le groupe des plus proches conseillers du pape, et il a un charisme très semblable à celui de François », explique Thomas Reese, un jésuite qui enseigne à l’Université de Santa Clara, en Californie. « Comme Ouellet, il a été missionnaire en Colombie, alors il a des affinités avec l’Amérique du Sud et le tiers-monde en général. »

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Le cardinal Gérald Cyprien Lacroix célébrant une messe lors d’une cérémonie à la mémoire d’Émile Loranger, longtemps maire de L’Ancienne-Lorette

Jasmin Lemieux-Lefebvre, qui a dirigé les communications du diocèse de Québec de 2009 à 2019 et a travaillé sur la visite du pape au Canada en 2022, confirme l’affinité entre les deux hommes.

On voyait durant le voyage de François au Canada qu’il se sentait très proche de Mgr Lacroix. Il y a une connivence entre les deux hommes. C’est en partie pour cette raison qu’il s’est arrêté à Québec.

Jasmin Lemieux-Lefebvre

Mgr Lacroix, dont la famille habite le New Hampshire, permettrait au conclave d’éviter un pape trop occidental, dit M. Faggioli. « C’est un Américain qui ne l’est pas, il fait partie d’une minorité dans son pays. »

Cléricalisme

Une candidature de Mgr Lacroix pourrait bénéficier d’une tactique de François dans ses réformes. « Il veut une décentralisation pour diminuer le cléricalisme, le pouvoir des hauts placés dans l’Église, dit M. Faggioli. Pour cette raison, il a évité de rassembler trop souvent les cardinaux à Rome, pour qu’ils ne forment pas des réseaux pour contrer ses réformes. Mais ça signifie également que les cardinaux des pays en voie de développement se connaissent peu. Ça pourrait favoriser les conservateurs, ou à tout le moins le noyau central européen des cardinaux nommés par Jean-Paul II et Benoît XVI. » M. Faggioli cite notamment l’archevêque de Budapest, Peter Erdo, et le secrétaire d’État du Vatican, Pietro Parolin.

PHOTO RAFIQ MAQBOOL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican

Gilles Routhier, théologien à l’Université Laval qui revient d’un colloque sur la gouvernance participative de l’Église à Rome, estime que François a profité de rencontres comme les synodes et les journées mondiales de la jeunesse pour que les cardinaux « périphériques » se rencontrent. « Ça semble être une préoccupation pour lui. Un journal italien a récemment avancé que le pape voulait modifier les règles du conclave pour que 30 laïcs y votent. »

Autre particularité de François : il change régulièrement de favoris, selon M. Faggioli. « C’est ce qui s’est passé avec le cardinal philippin Luis Antonio Tagle, qui a longtemps été au sommet des listes de papabili et il est tombé en disgrâce. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DU VATICAN

Le cardinal Luis Antonio Tagle et le père François ont célébré une messe lors de la visite du souverain pontife aux Philippines, en 2015.

M. Routhier ajoute que les papabili d’aujourd’hui ne sont pas ceux de demain. « C’est comme avec les premiers ministres ici, si quelqu’un arrive en tête des sondages 18 mois avant les élections, beaucoup de choses peuvent se passer. »

Pourrait-on voir un pape africain ? « C’est la région, avec l’Asie, où le catholicisme progresse le plus en nombre de fidèles, dit le père Reese. Le problème, c’est que l’Église africaine est beaucoup plus traditionnelle. Alors les timides ouvertures de François, par exemple récemment avec la bénédiction des unions homosexuelles ou le baptême des trans, seraient impensables. Ça pourrait créer des problèmes en Occident. »

Une version précédente de cet article omettait le deuxième nom de Jasmin Lemieux-Lefebvre.