(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a nommé jeudi le chef de son armée de terre, le général Oleksandre Syrsky, commandant en chef des forces ukrainiennes, en remplacement de Valery Zaloujny.

Le chef de l’État a qualifié son nouveau commandant de « général le plus expérimenté d’Ukraine », soulignant qu’il avait commandé la défense de Kyiv au début de l’invasion russe il y a quasiment deux ans, puis la contre-offensive de l’automne 2022 qui avait libéré la région de Kharkiv.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réclamé jeudi à son nouveau commandant en chef des forces armées un plan de bataille « réaliste » contre la Russie pour 2024, après l’échec de la grande contre-offensive de Kyiv l’an dernier.

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Le général Oleksandre Syrsky est maintenant le commandant en chef des forces ukrainiennes.

« J’attends de tels changements dans les forces armées ukrainiennes dans l’avenir le plus proche : un plan d’action réaliste et détaillé […] pour 2024 » qui tiendrait « compte de la situation réelle sur le champ de bataille et des perspectives d’avenir », a déclaré M. Zelensky dans son adresse quotidienne.

Adulé en Ukraine, respecté en Occident et probablement craint en Russie, Valery Zaloujny a cependant vu ces derniers mois sa relation avec la présidence se tendre, particulièrement depuis l’échec de la grande contre-offensive estivale qui n’a pas abouti à la libération des territoires occupées.

Le général a notamment agacé par sa franchise, disant en novembre 2023 dans une interview au magazine The Economist, que la guerre s’enfonçait dans une « impasse » et qu’il n’y aurait donc « probablement pas de magnifique percée ».

Il semblait ainsi enterrer dans l’immédiat l’ambition de libérer les 20 % du territoire ukrainien occupé par la Russie, objectif affiché de la présidence.

Bien qu’ils soient liés par le destin de leur pays, les relations entre Valéry Zaloujny et Volodymyr Zelensky se sont dégradées depuis, nourrissant les spéculations quant à un limogeage.

Ces dernières semaines, les deux hommes avaient aussi affiché leur désaccord sur l’épineux sujet de la mobilisation de centaines de milliers d’hommes pour remplir les rangs décimés lors de la contre-offensive mais aussi pour relayer les vétérans, épuisés par deux ans sur le front.

Le président Zelensky n’a pas validé l’idée du général Zaloujny de mobiliser un demi-million d’hommes.

Dans les derniers jours de janvier et les premiers de février, la situation a pris des allures de théâtre de l’absurde, les rumeurs, contre-rumeurs et démentis quant au limogeage imminent du populaire commandant en chef se multipliant.

La Russie à l’assaut d’Avdiïvka avec des forces très importantes

Situation « irréelle » par endroits, assauts et bombardements massifs : les autorités ukrainiennes ont dressé un bilan sombre des combats en cours à Avdiïvka, épicentre de la bataille dans l’Est ukrainien que Moscou tente de conquérir depuis des mois.

Depuis fin janvier, la position des défenseurs ukrainiens de cette cité industrielle a empiré, alors que la Russie a lancé en octobre son offensive pour achever d’encercler la ville, dans la foulée de la grande contre-offensive ratée de l’Ukraine.

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Depuis fin janvier, la position des défenseurs ukrainiens de cette cité industrielle a empiré, alors que la Russie a lancé en octobre son offensive pour achever d’encercler la ville, dans la foulée de la grande contre-offensive ratée de l’Ukraine.

Ces mauvaises nouvelles du front interviennent, en outre, alors que le Congrès américain a une nouvelle fois échoué à voter l’aide militaire dont l’Ukraine a cruellement besoin pour résister aux Russes, près de deux ans après que Vladimir Poutine a ordonné l’invasion de l’Ukraine.

À Avdiïvka, « malheureusement, l’ennemi nous presse de toutes parts, il n’y a pas une seule partie de notre ville qui soit plus ou moins calme. Ils donnent l’assaut avec des forces très importantes », a indiqué son maire Vitaly Barabach à la télévision.

Mardi, il avait déjà évoqué une situation « critique » dans certains quartiers. Le 24 janvier il avait reconnu « des combats de rue » pour la première fois avec des soldats russes à l’intérieur de la ville.

Quelques jours plus tard, le président russe Vladimir Poutine lui-même s’était félicité du fait que son armée avait « atteint les abords d’Avdiïvka » et y tenait « 19 maisons ».

Symbole

La ville était brièvement tombée en juillet 2014 aux mains des séparatistes prorusses armés par Moscou, avant de revenir sous contrôle ukrainien et de le rester, malgré l’invasion du 24 février 2022 et sa proximité avec Donetsk, bastion des Russes dans l’est de l’Ukraine depuis 10 ans.

Elle est aujourd’hui en grande partie détruite et sa valeur stratégique est très limitée, mais elle est un symbole de la résistance ukrainienne.

Les militaires ukrainiens diffusent d’ailleurs régulièrement sur les réseaux sociaux des images des pertes qu’ils disent infliger à l’ennemi, montrant quantité de blindés calcinés et de cadavres filmés au drone.  

Le maire d’Avdiïvka a indiqué jeudi que les conditions météorologiques, boueuses, sur place ne permettent pas actuellement aux troupes russes d’utiliser leurs véhicules, mais que la situation était « très chaude, très difficile ».  

« Dans certaines directions c’est tout simplement irréel », a-t-il lancé.

Il a répertorié « 50 tirs massifs d’obus » et plus de 30 bombardements aériens au cours des dernières 24 heures sur la ville, où demeurent encore 941 civils malgré les combats et les importantes destructions.

La chaîne Telegram DeepState, proche de l’armée ukrainienne et suivie par plus de 600 000 personnes, a rapporté une situation « critique et chaotique » à Avdiïvka, où les troupes russes avancent par endroits et sont repoussées dans d’autres.

Selon la chaîne Rybar, proche de l’armée russe et suivie par plus de 1,1 million de personnes, les forces de Moscou avancent au Nord et à l’est de la ville, se rapprochant des lignes d’approvisionnement des troupes ukrainiennes.

Blocage américain

Avdiïvka est le principal point chaud depuis l’échec de la contre-offensive estivale ukrainienne. Mais les forces de Kyiv sont sur la défensive depuis l’automne sur l’essentiel du front et disent avoir besoin d’un soutien occidental accru en armes et en munitions.  

Après un blocage dû à un veto hongrois, l’UE a débloqué son aide, mais elle a pris du retard, notamment s’agissant des livraisons de munitions d’artillerie.

Aux États-Unis, principal bailleur de l’Ukraine, les divisions de la classe politique empêchent depuis des mois le déblocage de l’enveloppe que la Maison-Blanche a demandée au Congrès pour Kyiv.

Outre Avdiïvka, les forces ukrainiennes sont sous pression dans le nord-est, dans la zone de Koupiansk, et aux abords de Bakhmout, la ville conquise par les forces russes en mai dernier, après plus d’un an de combats ayant fait des dizaines de milliers de morts.

Les grandes villes du pays, y compris Kyiv, sont en outre visées très régulièrement par des attaques nocturnes de drones et de missiles russes, si bien que le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a cessé d’appeler ses alliés à livrer plus de moyens de défense antiaérienne.