(Abou Dabi) Les négociations à la ministérielle de l’OMC sur la réforme du mécanisme de l’organisation qui permet aux pays de régler leurs différends commerciaux ont fait l’objet mercredi d’un bras de fer diplomatique entre les États-Unis et l’Inde.

La 13e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est censée s’achever jeudi en fin de journée, mais plus grand monde ne semble y croire.

« Nous avons fait d’énormes progrès, mais le temps presse », a déclaré la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, aux délégués, selon une source proche des discussions.

Tout le monde s’attend à ce que les négociations soient prolongées vendredi, mais la décision devrait être prise dans le courant de la journée de jeudi, a indiqué cette même source.

Les 164 membres de l’organisation – qui prennent les décisions par consensus – négocient notamment sur la pêche, l’agriculture, le commerce électronique et la réforme du mécanisme de l’OMC, ce dernier point ayant été discuté mercredi.

À peine arrivé à la ministérielle, le ministre indien du Commerce, Piyush Goyal, dont le pays joue un rôle central dans l’ensemble des négociations, a mis mercredi la pression sur les États-Unis en expliquant que son pays n’envisage pas de « finaliser » de nouveaux accords tant que Washington bloquera l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends.

« Il est important que la première question que nous réglions soit l’organe d’appel », a-t-il dit, affirmant que « l’ensemble du fonctionnement de l’OMC est actuellement quelque peu à l’arrêt ».

Le système de règlement des différends est paralysé depuis fin 2019 à la suite du blocage par Washington du renouvellement des juges de l’organe d’appel, une pratique initiée sous l’administration de Barack Obama et que Donald Trump et Joe Biden ont poursuivie.

En 2022, les ministres des 164 membres de l’OMC sont donc convenus de mener des discussions sur le système de règlement des différends « en vue de disposer d’un système pleinement opérationnel pour 2024 ».

Mais les discussions ces derniers mois au siège de l’OMC à Genève n’ont pas avancé sur l’organe d’appel, créant une certaine impatience parmi certains pays, comme l’Inde. Et aucun résultat majeur n’est attendu à Abou Dabi sur ce sujet.

« Pas d’élan »

Cette réforme est une « question difficile », mais la dynamique des négociations est « constructive, positive et modérée », a expliqué aux journalistes la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai.  

Toutefois « il y a encore du travail à faire », a-t-elle ajouté, à l’issue d’une séance de travail, même si une « convergence se dessine » sur plusieurs points.  

Mais, a-t-elle relevé, « il y a une autre série de questions qui seront plus difficiles et qui prendront plus de temps à traiter, y compris sur ce qu’il faut faire du mécanisme d’appel et comment disposer d’un mécanisme qui ne répète pas les problèmes du précédent organe d’appel ».

Les États-Unis tiennent à ce que les décisions des juges respectent la « sécurité » nationale des pays. Ils reprochaient aussi à l’organe d’appel de trop interpréter les règles de l’OMC.

Il était « extrêmement activiste, extrêmement puissant, plus puissant même que les (pays) membres », a soutenu Mme Tai.

Pour beaucoup, cette ministérielle est vue comme la dernière chance de faire avancer la réforme de l’organisation, avant un possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche qui, lors de son premier mandat, avait tout fait pour la torpiller tout en lançant une guerre commerciale avec la Chine.

« Il n’y a pas d’élan pour relancer les discussions » sur l’organe d’appel, a observé mercredi une source proche des négociations.

L’Union européenne, quant à elle, aimerait que l’issue de la ministérielle « fasse ressortir le sentiment d’urgence » qu’il y a sur ce sujet, a déclaré un responsable européen.  

« Il faut de la volonté politique… surtout pour un dossier aussi enlisé que celui-ci », a-t-il dit, affirmant que l’UE continue de soutenir un mécanisme de règlement des différends à deux niveaux.