Traduire en justice les pirates qui s'attaquent aux navires au large de la Somalie se révèle être un casse-tête légal pour les Etats qui les capturent, nuisant jusque présent à l'efficacité des opérations internationales contre les bandits des mers.

Pour juger les pirates, «la solution expéditive d'antan du "pendu haut et court", ou du passage à "la planche" vers l'eau profonde et les requins n'est plus applicable», ironise Bruno Pardigon, directeur général des Services de sécurité maritime de Djibouti, en marge d'une conférence de l'Organisation maritime internationale (OMI) qui réunit cette semaine à Djibouti 22 pays riverains de l'océan Indien, du golfe d'Aden et de la mer Rouge pour renforcer l'arsenal judiciaire contre les pirates.

Selon un document djiboutien présenté à la conférence «en 2008 près de 150 personnes ont été arrêtées par les navires de guerre croisant dans le golfe d'Aden» dans le cadre de la lutte anti-piraterie.

«Sur ce nombre, une centaine ont été remises aux autorités étatiques: 19 ont été rapatriées en Europe, 85 transférées aux autorités judiciaires des pays riverains», à savoir la région somalienne autoproclamée autonome du Puntland et le Yémen, indique ce document.

Les Britanniques qui disposent d'un accord particulier avec le Kenya ont remis huit pirates à cet Etat, faute de pouvoir les livrer à la Somalie, pays livré au chaos depuis bientôt 20 ans.

La France a elle envoyé à deux reprises ses forces spéciales arrêté des pirates somaliens et a décidé d'en juger certains sur son sol.

Mais ce cas est rarissime. Onze autres présumés pirates ont été relâchés rapidement, précise le rapport djiboutien.

Le texte ajoute qu'«une quarantaine de pirates présumés ont par ailleurs été relâchés par les navires de guerre qui les avaient interpellés» et qui ne savaient qu'en faire, ignorant quel est leur statut juridique lorsqu'ils sont détenus à bord, quel tribunal, ou quel pays devait les juger.

En effet, «la question de la loi pénale applicable aux pirates, de leur possible procès et des procédures à appliquer» ne sont pas définies précisément jusque présent, explique M. Pardigon. Et les pirates bénéficient de ce vide juridique.

Certes explique un diplomate européen participant aux travaux, «le corpus juridique concernant la piraterie est assez bien fourni (...) pour tout ce qui touche aux attaques en haute mer. Le problème c'est la mise en oeuvre de ce texte dans les législations nationales».

Jusque présent, les Etats sont réticents à adopter certaines dispositions. Ainsi le Yémen, concerné au premier chef par le fléau de la piraterie, est opposé au droit de poursuite par des navires de guerre étrangers des pirates dans ses eaux territoriales.

Pour éviter que les pirates ne soient immédiatement relâchés après leur arrestation et ne recommencent à sévir au large de la Somalie, l'OMI tente de convaincre les 22 Etats réunis à Djibouti de signer un accord d'harmonisation législative permettant de «faciliter l'arrestation et les poursuites judiciaires contre les suspects de piraterie».

Sur le dossier de «la piraterie, les problèmes légaux rejoignent la diplomatie», estime Chantal Poiret, ambassadeur française chargée de la coordination de la lutte internationale contre la piraterie: «les pays riverains voient leur intérêt dans une coopération entre eux et avec les pays dont les marines viennent lutter contre ce fléau», estime-t-elle.