La Cour pénale internationale (CPI) a émis mercredi son premier mandat d'arrêt contre un chef d'Etat, le président soudanais Omar el-Béchir, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, qui a été immédiatement rejeté par Khartoum.

La CPI n'a pas retenu l'accusation de génocide, demandée par le procureur. Elle estime qu'il y a «des motifs raisonnables de croire» que M. Béchir a commis des «meurtres, exterminations, tortures, transferts forcés, viols, attaques contre des civils et pillages au Darfour (ouest du Soudan).

En tant que «président de l'Etat du Soudan et commandant en chef des Forces armées soudanaises», il «avait le contrôle total» de l'armée, de la police et des milices janjawid qui s'en prennent aux civils au Darfour, dans un conflit qui a fait 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés depuis 2003, selon l'ONU. Khartoum parle de 10.000 morts.

«Nous ne traiterons pas avec cette Cour», a immédiatement réagi le ministre soudanais de la Justice Abdel Basit Sabdarat. «Elle n'est pas compétente (pour le Soudan). Il s'agit d'une décision politique».

La Maison Blanche a affirmé mercredi que les auteurs d'exactions au Darfour devaient être tenus pour responsables. Le porte-parole du président Barack Obama, Robert Gibbs, s'est cependant gardé de dire si l'administration américaine considérait que M. el-Béchir avait joué un rôle ou non dans ces exactions.

Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon et l'Union européenne ont de leur côté appelé le gouvernement du Soudan à «coopérer pleinement».

Dans un communiqué, l'UE a également appelé «le gouvernement soudanais et les mouvements rebelles au Darfour à faire preuve de retenue dans la situation actuelle» et à «s'engager sur une cessation immédiate des hostilités».

M. Béchir participera au sommet arabe de Doha prévu fin mars, a annoncé son ministre aux Affaires étrangères, Ali Karti, alors que Khartoum a expulsé mercredi une dizaine d'ONG après l'annonce de la CPI.

Une «demande d'arrestation et de transfert» de M. Béchir devait être envoyée «immédiatement» au Soudan, aux Etats parties de la CPI et aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies, selon la greffière de la Cour Silvana Arbia.

La CPI ne dispose d'aucune force de police propre et dépend de la volonté des Etats pour l'exécution des mandats d'arrêt.

«Le gouvernement soudanais est obligé par le droit international d'exécuter le mandat d'arrêt sur son territoire», a insisté le procureur, Luis Moreno-Ocampo. Sinon, «le Conseil de sécurité de l'ONU devra faire en sorte qu'il obéisse».

«Il n'y a pas d'immunité pour Omar el-Béchir», a-t-il ajouté : «dès qu'il voyagera dans l'espace aérien international, il pourra être arrêté».

Alors que des milliers de Soudanais manifestaient dans les rues de Khartoum leur soutien au Président, le mandat d'arrêt a été accueilli par des cris de joie dans un camp de réfugiés darfouris au Tchad.

Le crime de génocide ne figure pas dans le mandat d'arrêt. «Les éléments présentés par l'accusation (...) ne fournissaient pas de motifs raisonnables de croire que le gouvernement soudanais a agi dans l'intention spécifique de détruire, en tout ou partie, les groupes (ethniques) four, zaghawa et massalit», a expliqué la porte-parole de la Cour, Laurence Blairon.

Le procureur de la CPI, seul tribunal permanent compétent pour juger des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, enquête depuis 2005 sur le Darfour en vertu d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.

La CPI avait émis en mai 2007 des mandats d'arrêt contre le ministre soudanais des Affaires humanitaires, Ahmed Haroun, et le chef de milice janjawid, Ali Kosheib, mais Omar el-Béchir a toujours refusé de les extrader.