Inquiets de la reprise récente des combats au Darfour, des représentants des Nations unies et de cinq gouvernements influents, dont la Chine et les États-Unis, se rencontreront à Doha, au Qatar, aujourd'hui. Leur objectif: obtenir un cessez-le-feu entre le gouvernement soudanais et les rebelles du Mouvement justice et égalité (JEM). Une mission qui ne s'annonce pas de tout repos.

Ravageant la province occidentale du Soudan depuis 2003, le conflit armé a connu une accalmie, cet hiver, après que les deux belligérants eurent signé un «accord de bonne volonté». Mais la trêve aura été de courte durée. Accusant le gouvernement d'avoir violé l'entente conclue à Doha en février en refusant notamment de procéder à un échange de prisonniers, le JEM a lancé des offensives contre deux bases militaires du Nord-Soudan dans les derniers jours.

 

Les rebelles islamistes clament qu'ils veulent «libérer une zone» à la frontière du Tchad, pour permettre à l'aide humanitaire d'entrer au Darfour, où 4 millions de personnes dépendent de l'assistance internationale pour survivre. Le gouvernement soudanais a rétorqué en bombardant les rebelles, dans le désert. Hier, Khartoum a affirmé que 43 rebelles et 20 soldats ont péri au cours des derniers jours.

Néanmoins, des représentants des deux parties au conflit sont arrivés à Doha pour la reprise des pourparlers de paix. Pour le moment, aucune rencontre officielle n'est prévue entre les deux belligérants. Ce matin, ce sont plutôt les tiers pays, engagés dans le processus de réconciliation au Darfour, qui tenteront de trouver des solutions à l'impasse. Autour de la table, les Nations unies, l'Union européenne, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et les États-Unis tenteront de s'entendre sur l'approche à privilégier pour convaincre l'armée et les rebelles de faire taire leurs fusils.

«Les objectifs des négociations ne sont pas très clairs. De plus, le JEM ne croit pas à la solution politique, mais plutôt à la situation militaire», explique Fabienne Hara, vice-présidente aux affaires multilatérales à l'International Crisis Group, un prestigieux institut de recherche qui se penche sur les conflits mondiaux. Le JEM, plus puissant groupe rebelle, a des visées non seulement pour le Darfour, mais pour le reste du pays, note l'experte du Soudan qui était de passage à Montréal cette semaine pour prononcer une conférence.

Les planètes s'alignent

Malgré le scepticisme entourant la reprise du processus de Doha aujourd'hui, Fabienne Hara croit néanmoins que d'autres planètes s'alignent en faveur d'un règlement au Darfour. Les États-Unis, remarque-t-elle, font preuve d'une nouvelle volonté politique à l'égard du Soudan et déploient des efforts diplomatiques majeurs. Cette semaine, le nouvel envoyé spécial du président Obama au Darfour, Scott Gration, s'est rendu en Chine et en Europe pour préparer le terrain. «Les Américains ont un levier important: le gouvernement soudanais veut une normalisation de ses relations avec les États-Unis», soutient Mme Hara.

Cette normalisation prendra tout son sens aux élections soudanaises prévues pour 2010 et au référendum sur le sort du Sud-Soudan, qui devrait avoir lieu en 2011. Elle pourrait aussi avoir un impact sur le mandat d'arrêt qu'a émis la Cour pénale internationale contre le président Omar Béchir, plus tôt ce printemps. Ce dernier est accusé de crimes contre l'humanité. «Si le gouvernement de Khartoum joue bien ses cartes, il peut redevenir l'interlocuteur principal», conclut Mme Hara.

 

Conflit du Darfour

Depuis 2003, le conflit au Darfour oppose le gouvernement central du Soudan et les milices janjawid qu'il soutient à une myriade de groupes rebelles, dont le Mouvement justice et égalité (JEM). À ce jour, le conflit a fait plus de 300 000 morts et 2,7millions de déplacés.