Plusieurs dizaines de personnes hostiles à la junte au pouvoir en Guinée ont été tuées par balles lundi et deux importants dirigeants de l'opposition blessés lors d'une sanglante répression par les forces de l'ordre d'une manifestation.

C'est la première fois que la junte militaire réprime dans le sang une manifestation d'opposants, depuis son arrivée au pouvoir il y a neuf mois. Le rassemblement dans un stade avait été interdit dimanche et maintenu par l'opposition. Des dizaines de milliers de manifestants s'étaient rassemblés lundi dans le plus grand stade de Conakry pour s'opposer à l'éventuelle candidature du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l'élection présidentielle de janvier.

«Non à Dadis» et «à bas l'armée au pouvoir», pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des jeunes.

Ces violences interviennent au moment où la communauté internationale fait pression sur le chef des putschistes, au pouvoir depuis le coup d'État du 23 décembre 2008, pour qu'il respecte ses engagements de ne pas se présenter à l'élection et de laisser le pouvoir aux civils.

«C'est la boucherie ! Un carnage... Il y a des dizaines de morts» qui ont été apportés à la morgue, a déclaré un médecin du Centre hospitalier universitaire de Donka, le plus grand établissement sanitaire de Conakry.

Cinquante-huit cadavres ont été apportés lundi à la morgue du Centre hospitalier universitaire de Donka, à Conakry, après un grand rassemblement de l'opposition réprimé par les forces de l'ordre, a affirmé à l'AFP un médecin, sous couvert de l'anonymat.

Auparavant, le correspondant de l'AFP avait lui-même dénombré au moins une dizaine de cadavres portant des traces de balles, couchés à même le sol dans l'enceinte du stade du 28-septembre. D'autres journalistes locaux ont affirmé avoir vu au moins 27 cadavres.

La junte militaire avait interdit ce rassemblement de l'opposition, officiellement pour ne pas troubler l'ordre public avant la fête de l'indépendance le 2 octobre.

Mais les «forces vives» (partis politiques, syndicats et société civile) avaient maintenu le mot d'ordre de rassemblement.

L'ancien premier ministre Cellou Dalein Diallo, candidat à l'élection présidentielle et leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG, opposition), a été «blessé» au cours de la manifestation, tout comme l'ancien chef de gouvernement Sidya Touré, leader de l'Union des forces républicaines (UFR, opposition), selon leurs récits.

Ils ont été conduits au camp militaire Alpha Yaya Diallo, siège de la junte, puis transportés dans une clinique pour y être soignés.

M. Dalein Diallo a déclaré par téléphone à l'AFP depuis la clinique Pasteur qu'«il y avait une volonté délibérée de nous éliminer aujourd'hui, nous les opposants». Il a précisé avoir «deux côtes cassées» et une «blessure à la tête».  Sidya Touré a indiqué avoir été, lui aussi, «blessé à la tête».

Lundi matin, un important dispositif de sécurité avait été déployé à tous les grands carrefours de la capitale, avec des voitures de police et des véhicules militaires. Les stations services étaient fermées tout comme de nombreuses boutiques.

En milieu de matinée, les forces de l'ordre ont d'abord violemment dispersé les opposants à l'aide de matraques et de grenades lacrymogènes près du stade de la capitale, et arrêté des dizaines de personnes.

Le stade de 25.000 places s'est ensuite empli d'une foule de manifestants, débordant jusque sur les pelouses et aux abords. Des tirs ont alors été entendus.

Samedi, le chef de la junte s'était rendu dans la ville de Labé, fief de Cellou Dalein Diallo, où 20.000 personnes avaient manifesté quelques jours plus tôt contre sa venue et son éventuelle candidature à la présidentielle.