La junte au pouvoir en Guinée était accusée mardi d'avoir provoqué un «massacre» lors de la répression d'une manifestation la veille par les forces de l'ordre qui ont tué des dizaines de personnes et se sont livrées à des scènes de barbarie, dont des viols, selon des témoins.

Au moins 157 personnes ont été tuées et 1253 blessées lundi à Conakry lors de la violente répression d'une manifestation de l'opposition par les forces de sécurité, a indiqué mardi à l'AFP le responsable de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme (OGDH). «Nous avons enregistré jusqu'à maintenant 157 morts et 1253 blessés. Nos éléments ont circulé un peu partout à Conakry et dans les hôpitaux mais ils n'ont pas pu tout voir», a ajouté Thierno maadjou Sow. Les exactions se poursuivaient mardi avec au moins un adolescent tué par les militaires, selon des témoins à Conakry, où l'on pouvait entendre des tirs sporadiques et où les forces de l'ordre étaient déployées en force.

Le nombre de morts pourrait être supérieur, plusieurs sources - dont la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) et l'organisation guinéenne des droits de l'Homme (OGDH) - ayant accusé les militaires d'avoir ramasser des corps pour dissimuler le véritable bilan.

La junte veut ainsi cacher «l'ampleur du massacre», a affirmé l'UFR, selon laquelle les manifestants ont été «piégés» une fois enfermés dans le stade.

Les opposants s'étaient réunis lundi dans le stade pour dire leur opposition à l'éventuelle candidature à la présidentielle prévue en janvier du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, arrivé au pouvoir il y a neuf mois.

Les forces de l'ordre ont tiré sur la foule et plusieurs sources les ont accusées de s'être livrées ensuite à de véritables scènes de barbarie.

«Des femmes ont été violées par la garde prétorienne de Dadis Camara aux abords du stade où la foule s'était donné rendez-vous», a affirmé l'UFR.

Un autre opposant, Mouctar Diallo, a dit avoir été témoin de viols par des militaires dans une interview à Radio France Internationale (RFI).

«Il y a eu des femmes déshabillées, des militaires ont fait pénétrer leur fusil dans les sexes de ces femmes là», a-t-il déclaré.

«Ils ont violé les femmes publiquement (...) les militaires tiraient partout et j'ai vu des gens tomber. Et à balle réelles», a-t-il poursuivi, accusant «la garde présidentielle» et des policiers».

Ces exactions se poursuivraient mardi, selon une ONG et des témoins.

«Nous avons des informations très inquiétantes de femmes détenues dans des camps militaires et des commissariats qui sont violées», a déclaré Mamadi Kaba, président de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho). «Les militaires entrent aussi dans les quartiers, pillent les biens et violent les femmes», a-t-il ajouté.

«Les exactions continuent dans les quartiers, perpétrés par des militaires. Même s'il n'y a personne dans la rue, ils tirent en l'air, pillent des boutiques et frappent les gens», a raconté un habitant.

Dans une interview accordée lundi soir à RFI le chef de la junte, qui jusqu'à présent s'enorgueillait d'être arrivé au pouvoir sans effusion de sang, a dit être «désolé».

«C'est malheureux, c'est dramatique (...) Très franchement parlant, je suis très désolé, très désolé», a-t-il dit.

Le responsable de la Raddho a souligné pour sa part que «beaucoup de militaires et de policiers ne sont pas d'accord» avec la répression en cours.

Trois responsables de l'opposition, blessés et arrêtés lundi, ont pu regagner leur domicile. Il s'agit des ex-chefs de gouvernement Sydia Touré et François Fall et de Mouctar Diallo. Le nombre total d'arrestations n'était pas connu mardi.

Après Paris et Washington, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE) et Dakar ont condamné ces violences et lancé un appel au calme.