Cette année, l'Éthiopie commémore un événement qu'elle voudrait enterrer à jamais: le 25e anniversaire de la famine qui a tué plus d'un million de personnes. Le pays d'Afrique de l'Est n'a cependant pas beaucoup de temps pour pleurer ses morts alors que l'histoire menace de se répéter.

Plusieurs organisations humanitaires présentes en Éthiopie et dans la Corne de l'Afrique craignent le pire pour cette région du monde, où plus de 20 millions de personnes sont en danger.

 

Une sécheresse prolongée a plongé dans la détresse d'importantes populations de la Somalie, du Soudan, du Kenya, de l'Ouganda, de la Tanzanie, de l'Érythrée et de Djibouti. Ces pays étaient déjà fragilisés soit par la violence et l'instabilité politique, soit par la crise économique mondiale.

«La crise est beaucoup plus répandue géographiquement que la famine de 1984. L'aide est mieux organisée, mais ce n'est pas encore une panacée», a dit hier à La Presse Alun McDonald, de l'organisation Oxfam, joint à Nairobi, au Kenya.

Ce pays, qui a connu d'importantes violences postélectorales l'an dernier, est parmi les plus affectés par la crise. «Dans les régions les plus touchées, les gens marchent de trois à quatre heures par jour pour avoir accès à trois litres d'eau. C'est très peu. Le minimum prescrit est de 15 litres par jour dans les camps de réfugiés du Darfour et du Congo. Sans eau, rien ne pousse, et les denrées les plus élémentaires sont trop chères sur le marché. Les gens se plaignent que le maïs coûte trois fois plus cher qu'avant la crise alimentaire», explique M. McDonald.

Les enfants sont les premiers touchés par la sous-alimentation, note-t-il, mais les personnes âgées sont aussi à risque. Lors d'une mission dans le nord-est du Kenya, il a rencontré une grand-mère qui survivait grâce à une demi-tasse de légumineuses par jour. «Les familles sont parfois obligées d'établir des priorités lors du partage de la nourriture. Les enfants sont les premiers nourris et les adultes se divisent ce qu'il reste», explique le travailleur humanitaire.

Pour le moment, la famine n'a été déclarée officiellement par aucun gouvernement de la région, mais les organismes humanitaires, dont Médecins sans frontières (MSF), voient de plus en plus de patients affamés frapper à leur porte. «Nous voyons des sommets de malnutrition dans certains endroits. Notamment dans le Sud-Soudan, le nombre de patients qui en souffrent a augmenté de 85% en un an», note Vanessa Van Schoor, experte en anthropologie médicale qui travaille avec MSF. «Nous notons que de plus en plus d'enfants sont dans une situation de malnutrition critique.»

Lueur de bonne nouvelle: pour le moment, la mortalité infantile n'a rien à voir avec celle de 1984. À l'époque, des photos d'enfants au ventre gonflé, à deux doigts de la mort, avaient envahi les écrans de télévision. En règle générale, une famine est déclarée quand le taux quotidien de mortalité infantile excède quatre enfants pour 10 000 habitants. En Éthiopie, en ce moment, le taux est de deux enfants pour 10 000 habitants chaque jour.

«Nous avons fait des progrès en 25 ans. Nous traitons les patients plus tôt. Les aliments que nous leur administrons sont plus efficaces et nous n'avons plus à les hospitaliser pendant 30 jours comme avant. Ils peuvent suivre le traitement à la maison», explique Vanessa Van Schoor.

Malgré ces succès relatifs, les organismes humanitaires rappellent que plus de fonds seront nécessaires pour prévenir le pire alors que l'hiver approche. Au Canada, Oxfam, CARE et Aide à l'enfance ont lancé une campagne de financement commune.

LA FAIM EN 2009

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La faim a progressé dans le monde en raison de la crise économique mondiale en 2008-2009 et touche aujourd'hui 1,02 milliard de personnes, soit un sixième de la population mondiale. «Aucune nation n'est épargnée et, comme toujours, ce sont les pays les plus pauvres - et les populations les plus démunies - qui en pâtissent le plus», déplore Jacques Diouf, directeur général de la FAO (l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture).

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Pays identifiés par la FAO comme étant particulièrement vulnérables sur le plan économique en raison de crises nationales et régionales. Il s'agit de la Somalie, de l'Afghanistan, de l'Éthiopie, de l'Irak, de l'Érythrée, du Soudan, d'Haïti, du Burundi, de la République démocratique du Congo, du Liberia, de l'Angola, de la Mongolie, de la Corée du Nord, de l'Ouganda, du Tadjikistan et de la Géorgie.

17%

La récession s'est ajoutée à une crise alimentaire qui, dans la période de 2006 à 2008, a fait monter les prix des denrées de base à des niveaux hors de portée pour des millions de personnes pauvres. À la fin de 2008, les prix des denrées de base restaient supérieurs de 17% en termes réels à ceux de 2006.

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Aucun progrès n'a été réalisé afin d'atteindre les objectifs du millénaire visant à baisser de moitié le nombre de personnes sous-alimentées entre 1990 et 2015, à environ 420 millions de personnes.

Avec l'AFP