Comment tourner la page sur quatre décennies de règne d'un président autoritaire? En élisant son fils, a répondu le Gabon. Plusieurs espèrent maintenant que fiston n'est pas le portrait craché de son père.

Au Gabon, on l'a longtemps appelé Bébé Zeus. Et pour cause: Ali Bongo est né de la cuisse de Jupiter.

Son père, le président Omar Bongo, a régné de manière presque autoritaire sur le Gabon pendant 41 ans. Au cours de ces années, il a accumulé une des plus grandes fortunes du monde, «en confondant ses poches avec celles de l'État», selon un expert de la région, le professeur Aziz Fall. Bongo père n'a pas mené par la force. Il est resté au pouvoir en entretenant les chefs des clans les plus puissants du pays et en s'attirant les bonnes grâces de la France, l'ancien pouvoir colonial qui a encore aujourd'hui des intérêts économiques et militaires au Gabon.

Le résultat de ce règne? Malgré les richesses naturelles du pays, les inégalités économiques sont flagrantes au Gabon où une grande partie des 1,5 million d'habitants vivent dans la pauvreté, à l'ombre des palais de l'élite. L'espérance de vie y dépasse à peine 53 ans.

En briguant la présidence après la mort de son père, Ali Ben Bongo Ondimba, 50 ans, a promis de faire une réingénierie complète du système politique gabonais, «un système usé et rejeté», écrivait le mois dernier la revue Jeune Afrique.

Déjà, plusieurs se demandent si le fils de l'ancien homme fort est la personne désignée pour opérer un tel changement. «Il faudra voir s'il est capable de prendre la distance nécessaire du lourd héritage de son père. Ali Bongo peut se mettre au-dessus de la mêlée ou retrouver les bons vieux réflexes d'antan», note Aziz Fall, qui enseigne les sciences politiques à l'UQAM.

Fils aîné d'Omar Bongo, Ali n'a pas toujours eu la fibre politique. Né au Congo-Brazzaville, instruit en France - du lycée au doctorat - il avait plus d'affinités avec sa mère, la chanteuse Patience Dabany, qu'avec son président de père au début de sa vie.

Passionné de la soul américaine, il a été un ami intime de Michael Jackson, mort peu de temps après son père. Pendant sa récente campagne électorale, il a d'ailleurs mis à contribution son talent musical et son look à la James Brown, dansant et rappant lors de rassemblements politiques.

Son attirance pour la musique ne semble pas pour autant l'avoir éloigné du joug paternel. Quand Omar Bongo, né Albert-Bernard Bongo, a décidé de se convertir à l'islam en 1975 et ce, même s'il était président d'un pays à majorité chrétienne, son fils, Alain-Bernard de son vrai prénom, lui a emboîté le pas. À la fin de ses études, Ali Bongo a vite rejoint le gouvernement de papa. Il a été membre de son cabinet à 28 ans, ministre des Affaires étrangères à 30 ans et ministre de la Défense à 40 ans.

Comme son père, il semble aussi entretenir d'étroits liens avec la France. Sa femme, Sylvia, est la fille de l'assureur français Édouard Valentin, un proche d'Omar Bongo.

Malgré la proximité apparente des deux hommes, Omar Bongo a refusé de nommer un successeur de son vivant. Bongo fils a donc dû faire campagne dans les règles de l'art et se mesurer à 22 autres candidats pour remporter le scrutin du 30 août.

Il a obtenu 41,7% des voix, dans une élection largement contestée. Des manifestants, qui ont dénoncé des fraudes électorales, sont descendus dans les rues. De trois à cinq d'entre eux sont morts lors de confrontations avec la police. Saisie de l'affaire, la justice gabonaise a donné raison au fils de l'ancien président.

La boucle est bouclée: Baby Zeus a accédé à l'Olympe politique de son pays. Il devra y faire ses preuves, sans la protection de Papa Zeus.

Le Gabon

Capitale: Libreville Population: 1,5 million Langue officielle: le français Religions: chrétiens (de 55 à 75%); animistes, musulmans (moins de 1%)